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SOMMAIRE
Présidence de M. Bernard Accoyer
. Application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution
Discussion des articles (suite)
Amendement no 3366 à 3375
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État
Amendement no 3531 à 3552
Amendement no 3597 à 3618
Amendement no 3377 à 3398
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Suite de la discussion d’un projet de loi organique
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi organique relatif à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution (n°s 1314, 1375).
M. le président. Ce matin, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant, dans la série d’amendements identiques n°s 3354 à 3375 après l’article 7, à l’amendement n° 3364.
M. Laurent Fabius. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Laurent Fabius.
M. Laurent Fabius. Merci, monsieur le président, d’être présent cet après-midi.
Mon rappel au règlement porte sur le fond de notre discussion. Je souhaite appeler l’attention de tous mes collègues, de la majorité comme de l’opposition, sur un problème qui risque de rendre notre discussion totalement abstraite. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je vais m’expliquer, et peut-être serez-vous sensible à mes explications.
Nous discutons d’un projet de loi organique relatif à l’application d’une révision constitutionnelle dont l’objectif affiché était de donner plus de pouvoirs au Parlement et de renforcer les droits de l’opposition ; très bien. Mais une question se pose, qui n’est d’ailleurs pas nouvelle : comment nous assurerons-nous que cette loi organique est appliquée correctement, dans l’esprit que nous souhaitons ? On peut voter les textes les plus officiels, les plus formels, les plus illustres ; mais si leur application n’est pas certaine, cela ne sert à rien.
Or la révision constitutionnelle a prévu d’inscrire à l’article 39 de la Constitution que « les projets de loi ne peuvent être inscrits à l’ordre du jour si la conférence des présidents de la première assemblée saisie constate que les règles fixées par la loi organique sont méconnues ». En d’autres termes, tout ce dont nous discutons ne peut être vérifié que par une autorité : le Gouvernement, bien sûr, et la conférence des présidents.
M. Jean-Pierre Schosteck. Cela fait deux !
M. Laurent Fabius. Sans cette vérification, nul ne peut être sûr que la loi organique est respectée.
Cela vaut en particulier de ce dont nous discutons, c’est-à-dire des procédures d’évaluation. En la matière, les gouvernements successifs ont publié des circulaires et fixé des règles. Mais nous savons tous, que nous appartenions à l’opposition ou à la majorité, que nous ayons fait partie du Gouvernement ou non, qu’à terme ces dispositions ne sont pas respectées. Et l’on ne peut attendre du Gouvernement qu’il s’adresse à lui-même des injonctions !
Or, ce qui me frappe – et j’imagine, monsieur le président, que vous y êtes également sensible –, c’est que l’article 39 de la Constitution, qu’il faut naturellement respecter, fait de la conférence des présidents l’instance chargée de cette vérification. Vous présidez par définition la conférence des présidents, nombre de nos collègues en font partie et je l’ai moi-même présidée pendant plusieurs années ; ce n’est certainement pas cette instance qui va vérifier la validité des modes d’évaluation !
Monsieur le président, vous nous avez écrit à tous une lettre nous assurant que vous souhaitiez voir les droits de l’opposition respectés, et vous nous avez donné plusieurs exemples. Mais si un président de groupe ne peut faire observer que certaines dispositions de la loi organique ne sont pas respectées, alors nous légiférons sur du vent !
M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, rapporteur, et plusieurs députés du groupe UMP. Oh !
M. Laurent Fabius. On a parlé, en littérature ou en peinture, du couteau sans manche ou de la valise sans poignée. C’est exactement ce que nous sommes en train de faire. Il s’agit d’un vieux problème : il faut des surveillants, mais qui surveille les surveillants ? En l’occurrence, le Gouvernement est tenu de respecter certaines dispositions, mais c’est à la majorité de s’assurer qu’il le fait. Cela signifie qu’elles ne seront malheureusement jamais appliquées.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Oh !
M. Laurent Fabius. Je me tourne vers vous, monsieur le président, qui vous souciez à juste titre de l’application de ces dispositions et du respect des droits de l’opposition. S’il n’existe aucune possibilité de saisine par laquelle un président de groupe – en l’occurrence, il s’agira souvent d’un président de l’opposition – pourrait rappeler l’existence de la loi organique et l’obligation de procéder aux évaluations, et signaler que, après examen approfondi, il apparaît que cette obligation n’est pas respectée, alors tout ce que nous ferons sera du vent : ce ne sera qu’un couteau sans manche ou qu’une valise sans poignée. Je vois des collègues qui ont l’expérience de ces questions m’approuver, y compris sur les bancs de la majorité.
Je demande donc au Gouvernement, ici représenté par M. Karoutchi, et à vous-même, monsieur le président, de réfléchir. Vous avez la possibilité d’amender ou de sous-amender le texte afin de faire en sorte que ce que vous nous proposez soit suivi d’effet – ce qui ne sera pas le cas, même avec la meilleure volonté du monde, si vous n’agissez pas. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. Le Gouvernement, moi-même et nous tous avons bien entendu la mise en garde de M. Fabius.
M. Christian Paul. Et M. Karoutchi va répondre !
M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert, pour soutenir l’amendement n° 3366.
M. Jean Gaubert. Notre débat, qui se poursuit depuis un certain temps, commence à intéresser nos concitoyens. (« Oh oui ! » et rires sur les bancs du groupe UMP.) Cela se passe souvent ainsi.
M. Jean-Claude Lenoir. Ils sont vissés devant leur télévision !
M. le président. Je vous en prie !
M. Jean Gaubert. Si vous commencez de cette façon, comme nous avons le temps (« Nous aussi ! » sur les bancs du groupe UMP), vous risquez d’y passer un peu de temps vous aussi…
Un député du groupe UMP. Des menaces ?
M. le président. Je vous en prie ! Les choses se sont bien passées ce matin…
M. Jean-Marie Le Guen. À la différence d’hier soir, monsieur le président !
M. le président. …et il faut qu’elles continuent à bien se passer cet après-midi.
Poursuivez, monsieur Gaubert.
M. Jean Gaubert. J’attendais simplement que les esprits se calment, monsieur le président.
Lorsque nous en parlons avec nos concitoyens, nous disent-ils que nous travaillons trop ? Nous disent-ils que nous passons trop de temps dans l’hémicycle ? Non !
M. Jean-Claude Lenoir. Ils nous disent que nous travaillons mal !
M. Jean Gaubert. Ils nous demandent parfois à quoi nous passons notre temps,…
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. À écouter défendre des dizaines d’amendements identiques !
M. Jean Gaubert. …mais ils ne nous disent jamais que nous y passons trop de temps. Ils trouvent somme toute normal que nous siégions la nuit ou le samedi, car ils nous ont élus pour cela.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Pas pour examiner des amendements identiques !
M. Jean Gaubert. Ce qui les dérange parfois, et qui pourrait les déranger s’agissant du présent projet, c’est l’idée que nous ne passerions plus beaucoup de temps dans l’hémicycle : ils se demanderaient alors si les parlementaires servent encore à quelque chose.
Je l’ai dit ce matin : avec ce que vous nous proposez, nous allons tout droit vers un système dans lequel il y aura un Premier Consul…
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur, et plusieurs députés du groupe UMP. Oh !
M. Jean Gaubert. …et dans lequel on se demandera s’il faut encore des parlementaires. On se demande déjà s’il faut encore des ministres ou s’il y en a encore !
M. Arnaud Montebourg. Des ministres décoratifs !
M. Christian Paul. S’agissant de M. Karoutchi, la réponse est évidente !
M. Jean Gaubert. Ce que nos concitoyens nous demandent, c’est de faire de bonnes lois…
M. Jean-François Copé. De beaux débats !
M. Dino Cinieri. Avec beaucoup d’obstruction !
Plusieurs députés du groupe SRC. M. Copé s’énerve !
M. Jean-Marie Le Guen. M. Copé est mort depuis que la redevance a été augmentée !
M. Jean Gaubert. « Faites-nous des lois qui tiennent la route », nous demandent-ils, « et, surtout, ne les reprenez pas régulièrement ! »
Ce matin – vous n’étiez pas là, monsieur Copé, mais je ne doute pas que vos amis vous en ont parlé –, j’ai évoqué les nombreuses lois que, depuis 2002, on a reprisées comme de vieilles chaussettes, année après année, en produisant de nouveaux textes. Ainsi, sur la sécurité, l’énergie, l’urbanisme – et je pourrais citer bien d’autres sujets –, on a fait systématiquement, presque tous les ans, un nouveau texte de loi pour corriger le précédent, qui n’était même pas encore appliqué !
Mme Delphine Batho. Exactement !
M. Jean Gaubert. C’est cela que nos concitoyens nous reprochent, et non le temps que nous passons dans l’hémicycle. Or je ne crois pas que ce que vous nous proposez nous permettra d’améliorer cette situation.
Pour notre part, nous vous proposons de recourir plus souvent, sur des sujets importants, à une étude d’impact préalable, afin d’éviter tous les travers que nous connaissons aujourd’hui.
Je ne citerai qu’un exemple, en reprenant les propos que Christophe Caresche a tenus ce matin avant la levée de séance, afin que nul ne perde le fil du débat. Il s’agit de la réforme de la carte judiciaire. Elle n’a pas fait l’objet d’une loi, me direz-vous. C’est encore pire ! Il aurait pu y en avoir une. Mais, si une étude d’impact avait précédé la promulgation de cette mesure, vous-mêmes, députés UMP – non de Paris, mais de province –, n’auriez pas été contraints de courir après la réforme en formant ici des groupes de travail qui se sont révélés inefficaces, puisque les décisions étaient déjà prises. Et vous auriez peut-être pu mesurer vous-mêmes les conséquences de l’application de cette réforme : des bureaux qui, quand on regroupe, n’existent pas ; des juges qui ne sont pas en poste ; des justiciables et des contribuables qui devront se déplacer plus loin, à qui la justice coûtera donc plus cher ; mais aussi des juges qui, puisque l’on a vendu à certains les audiences foraines, devront se déplacer,…
M. le président. Monsieur Gaubert, je vous prie de conclure.
M. Jean Gaubert. …rendant l’exercice de la justice encore plus coûteux. Je pourrais continuer ainsi.
Tel est le sens de ce que nous vous proposons : c’est avant de commettre ce genre d’erreurs qu’il faut analyser les conséquences des dispositions que l’on promeut.
Si nous procédions ainsi, nous aurions sans doute beaucoup moins de lois, mais bien plus de lois propres à satisfaire nos concitoyens. C’est bien pour cela qu’ils nous ont élus, et non simplement pour que nous rentrions plus vite assister aux cérémonies de vœux : s’ils apprécient que nous y soyons présents, ils apprécient également, lorsqu’ils regardent la chaîne parlementaire, de voir que nous faisons notre travail.
M. le président. La parole est à M. Bernard Lesterlin, pour défendre l’amendement n° 3367.
M. Bernard Lesterlin. J’ai déposé cet amendement avec mon éminent collègue Jean Mallot.
Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de vous rappeler une formule bien connue : nul n’est censé ignorer la loi. Or, selon nos concitoyens, nos lois sont illisibles. Tout d’abord, les projets que nous avons eu à examiner ces derniers temps respectaient rarement les dispositions constitutionnelles définissant le domaine et le rôle respectifs de la loi et du règlement – les articles 34 et 37 de la Constitution. Nos lois sont donc bavardes.
M. Claude Goasguen. Vous aussi ! (Rires sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Je vous en prie !
M. Bernard Lesterlin. Peut-être, mais c’est moi qui ai la parole !
En outre, nous légiférons en mille-feuilles, sans jamais nous préoccuper de l’efficacité des dispositifs déjà en vigueur sur le même sujet – ce que j’appellerai l’évaluation ex post.
Par ailleurs, nous ne délibérons que sur des projets d’affichage ou événementiels. La préoccupation médiatique prend alors le pas sur le souci de l’intérêt général et sur la nécessité de fixer les règles de notre vie collective.
En tant que législateur, nous avons le devoir d’être compréhensibles. La loi n’est pas faite pour les seuls spécialistes, je veux parler de ceux dont le métier est de l’interpréter. Puisque le Président de la République a voulu moderniser le fonctionnement du Parlement et renforcer ses pouvoirs par une modification de la Constitution, il nous faut, par nos amendements, Y aider son gouvernement et légiférer dans le sens de l’intérêt général, donc pour tous les Français. D’où la nécessité d’introduire des évaluations ex ante, pratique généralisée en Europe, comme vous le savez.
À défaut de pouvoir évaluer correctement ex post, nous entendons définir par cet amendement les domaines prioritaires qui appellent une évaluation renforcée et je vous invite, mes chers collègues, à nous suivre en le votant.
M. le président. La parole est à M. Henri Nayrou, pour présenter l’amendement n° 3369.
M. Henri Nayrou. L’article 7 prévoit que chaque projet de loi devra être accompagné d’une étude d’impact, dont les modalités ont été précisées et améliorées par les amendements de M. le rapporteur.
Vous imaginez bien, monsieur le président, que je ne suis pas venu de ma lointaine Ariège pour faire de l’obstruction. Mais j’estime, et je le dis posément, que le Gouvernement et l’UMP se trompent de route, apportant la preuve de leur irresponsabilité, de leur mauvaise foi ou de leur cynisme ou bien des trois à la fois. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Chers collègues, je vous demande un peu d’attention. Je crois n’avoir pas abusé de mon temps de parole.
Il y a six mois, a été votée une réforme constitutionnelle visant à restaurer les droits du Parlement, écrasé par l’omniprésidence.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Allons, allons !
M. Henri Nayrou. Six mois après, force est de constater que vous êtes en train d’éroder le plus élémentaire de ses droits, le droit d’amendement. Ainsi, en toute irresponsabilité, vous prenez le risque de rendre cette assemblée encore plus docile qu’elle ne l’est. Mesdames, messieurs de la majorité, je ne parle pas seulement pour nous, je parle aussi pour vous et pour les citoyens qui nous ont délégué leurs pouvoirs pour amender et voter la loi et pour contrôler le Gouvernement. Vous prenez ainsi la responsabilité d’affaiblir le pouvoir de l’Assemblée nationale, ce dont vous serez un jour comptables.
En toute mauvaise foi, vous croyez gagner la bataille de l’opinion publique en caricaturant les initiatives de l’opposition, mettant en exergue le nombre d’amendements qu’elle a déposés et leur caractère forcément répétitif. L’opinion publique est peut-être sensible à des images comme celle du président Debré posant au perchoir entouré de hautes piles d’amendements, mais la politique, pour nous, ce n’est pas du marketing ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean-François Copé. Ce n’est pas de l’obstruction non plus !
M. Henri Nayrou. Notre problème sera de faire comprendre à l’opinion toute l’importance de ce projet de loi organique et des conséquences qu’il implique. Comme vous n’ignorez rien de ce qui se trame derrière ce texte, votre mauvaise foi est évidente.
Enfin, chacun sait que tout est orchestré par le Président de la République, qui n’aime ni les lieux ni les temps du débat. Il décide, vous exécutez et je pourrai vous apporter bien des preuves de ce que j’avance. En tout cynisme, c’est pour satisfaire votre chef que vous acceptez de toucher aux droits fondamentaux du pouvoir législatif et d’avilir nos fonctions.
Tout cela, mesdames et messieurs de la majorité, n’est pas très glorieux !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour défendre l’amendement n° 3370.
Mme Catherine Lemorton. La défense de cet amendement, co-signé par Christian Paul,…
M. Jean-Luc Warsmann , rapporteur. Le même que les autres !
Mme Catherine Lemorton. …me donne l’occasion d’opérer un retour en arrière. Nous avons été empêchés de débattre de l’article 6, alors même que nous avions bien des choses à dire à son propos. J’aurais, en particulier, aimé déposer un amendement consistant à étendre aux propositions de loi l’obligation d’un exposé des motifs et les impératifs de constitutionnalité qui s’y attachent. Pour vous convaincre de la nécessité de cette disposition, je citerai l’exemple d’une proposition de loi relative à l’année d’études commune aux professionnels de santé, votée le 16 décembre dernier dans cet hémicycle et dont l’exposé des motifs comprenait deux motifs irrecevables. Comme l’a bien dit Laurent Fabius tout à l’heure, on ne légifère pas en bavardant dans le vent.
De la même manière, l’obligation d’une étude d’impact devrait être étendue aux propositions de loi. En repoussant le sous-amendement de Laurent Fabius, vous avez pris le risque de voir détournée cette obligation. Permettez-moi de prendre à nouveau un exemple. L’avant-projet de loi de Mme Bachelot, intitulé « Hôpital, patients, santé et territoires », comprenait un paragraphe entier consacré aux recherches cliniques sur les personnes. Dans la version définitive du projet de loi, ce paragraphe a sauté, ce qui a pu nous laisser légitimement penser que les dispositions en question seraient présentées dans les lois relatives à la bioéthique puisque les recherches médicales actuelles sont de plus en plus orientées vers la biomédecine, le décodage du génome en particulier. Or, je ne sais par quel tour de passe-passe, nous avons vu apparaître à l’ordre du jour une proposition de loi relative aux recherches cliniques, proposition au calendrier inacceptable. Alors que nous l’avons eue entre les mains un vendredi, nous devions déposer les amendements trois jours après, le lundi à 17 heures, pour en débattre en commission le mardi.
M. Jean Mallot. Voilà un exemple concret !
Mme Catherine Lemorton. Si je soutiens cet amendement portant article additionnel après l’article 7, c’est que de tels cas me persuadent de la nécessité d’adjoindre des études d’impact aux propositions de loi. J’appelle en particulier votre attention sur son IV, aux termes duquel « Les études d’impact concernant ces projets sont réalisés pour une période qui ne peut être inférieure à deux mois », deux mois étant un délai très court s’agissant de domaines comme les recherches cliniques.
Enfin, j’aimerais revenir sur l’attitude de l’un de nos collègues de l’UMP qui a crié à la démagogie lorsque Delphine Batho réaffirmait notre soutien aux personnes qui manifestent aujourd’hui à Paris pour défendre d’éducation nationale et l’école de la République. Mes chers collègues – et je parle très sérieusement –, je vous invite à faire attention à ce que vous dites. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Si soutenir un mouvement de protestation de nos concitoyens est démagogique, si se faire la voix des Français dans cet hémicycle est démagogique, alors, il ne faudra pas vous étonner que dans les mois et les années à venir, la loi, empêchée d’être élaborée ici, se fasse dans la rue ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Jean-Claude Lenoir. Mais c’est un appel à la sédition !
M. Bruno Le Roux. Juste une invitation à des contacts avec nos concitoyens !
M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam, pour défendre l’amendement n° 3372.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Vingt-deux fois le même !
Mme Patricia Adam. Nous savons que les projets de loi ont un impact fort sur le budget des collectivités territoriales, du fait de la décentralisation. Conseillère générale,…
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Gare au cumul !
Mme Patricia Adam. …j’ai présidé pendant longtemps des commissions d’action sociale (Applaudissements ironiques sur les bancs du groupe UMP) et je mesure les répercussions des mesures législatives sur une bonne part du budget du conseil général – près de 60 %.
À cet égard, les études d’impact paraissent particulièrement nécessaires. Je prendrai l’exemple de la gérontologie. Certaines dispositions dont les conséquences sur les budgets des collectivités locales n’ont pas été mesurées placent les départements dans de grandes difficultés budgétaires. Le nouvelle organisation des soins, prochainement à l’ordre du jour à travers le projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoire », aura des répercussions directes sur la construction de maisons de retraite et le maintien à domicile des personnes âgées.
Nous savons que vous voulez remettre en cause le dispositif de l’allocation personnalisée d’autonomie, votée sous le gouvernement Jospin, et qui avait l’objet de nombreux débats au moment du vote de la loi. Certes, les mêmes obligations ne peuvent s’imposer à tous, compte tenu des différences de revenus, mais nous savons bien qu’une telle décision aurait un impact sur le maintien à domicile des personnes âgées. Élue d’un département rural, je sais que certaines familles se sont refusées à demander des aides pour maintenir à domicile des personnes âgées dans des conditions décentes, de peur que les sommes allouées par les collectivités ne soient récupérées sur la succession. Aussi certaines personnes âgées ont-elles été maintenues à leur domicile dans des conditions dégradantes, attentatoires aux droits élémentaires de la personne. Une décision de ce type impose donc une évaluation financière, sociale et éthique pour éviter toutes conséquences graves.
Pour finir, je reviendrai sur une ordonnance récemment ratifiée par le Parlement. Alain Vidalies et moi-même avons pu constater qu’aucune étude d’impact n’avait été faite. En quelques heures, du fait du vote d’amendements de la majorité, et non du Gouvernement, le texte est devenu inapplicable, ce que les services du ministère concerné nous ont confirmé.
M. le président. Sur cette série d’amendements identiques, je suis saisi d’une série de sous-amendements.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, depuis le début de nos travaux, plusieurs centaines de sous-amendements – près de cinq cents – ont été déposés. Contrairement aux centaines d’amendements, ils n’ont pas été examinés par la commission. Nous pouvons donc considérer que ce Niagara de sous-amendements (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) n’est qu’un instrument d’obstruction, ne visant en rien la qualité du travail parlementaire.
J’entends constamment M. Ayrault et M. Fabius me dire qu’ils sont prêts au dialogue et à faire avancer les travaux si nous faisons preuve d’ouverture. Mais ce n’est sûrement pas en agissant de la sorte que l’on pourra avancer.
Nous avons montré, sur l’article 1er comme sur l’article 7, que nous étions prêts à réécrire le texte avec la commission – à une condition : que cesse ce qu’il faut bien qualifier d’obstruction constante, permanente et renouvelée.
Dans ces conditions, c’est très sereinement que le Gouvernement, en application de l’article 44, alinéa 2, de la Constitution, demande que ces sous-amendements ne soient pas appelés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. Monsieur le rapporteur, confirmez-vous que ces sous-amendements n’ont pas été examinés en commission ?
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je le confirme, monsieur le président. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
M. François Brottes. C’est un coup de force !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Marc Ayrault. Nous débattons dans un climat serein. Pour autant, cela ne veut pas dire que les choses ne soient pas graves.
Hier, le processus que nous avons dénoncé a conduit à une tension extrême. Et je vous rappelle que cette tension résidait dans ce que vous venez de faire à nouveau aujourd’hui, monsieur le secrétaire d’État. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Mais vous pouvez faire ce que vous voulez. La preuve : vous n’avez pas besoin de réformer la Constitution ni le règlement de l’Assemblée nationale pour empêcher l’opposition d’exister et de travailler,…
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ce n’est pas notre but !
M. Jean-Marc Ayrault. …puisque vous avez déjà à votre disposition tous les articles de la Constitution, et vous en faites la démonstration en les utilisant.
Vous considérez que ce texte est à prendre ou à laisser. Pour notre part, nous souhaitons que vous fassiez des propositions constructives. Or, depuis le début de la discussion, vous n’avez tendu la main à aucune de nos propositions.
M. Dino Cinieri. Vous faites de l’obstruction depuis le début !
M. Jean-Marc Ayrault. Comme hier soir, vous verrouillez la porte en faisant sauter les amendements et sous-amendements que nous avons déposés.
Aussi, monsieur le président, je vous demande une suspension de séance pour réunir mon groupe et décider de l’attitude que nous allons adopter pour la suite de nos travaux. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Suspension et reprise de la séance
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures quarante.)
M. le président. La séance est reprise.
Sur le vote des amendements n°s 3354 à 3375, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à M. Jean Mallot, pour un rappel au règlement.
M. Jean Mallot. Au cours de la réunion que nous venons de tenir sous la présidence de Jean-Marc Ayrault, nous avons examiné la situation dans laquelle se trouve notre assemblée après l’intervention de M. le secrétaire d’État, qui vient d’invoquer l’article 44, alinéa 2, de la Constitution, pour écarter nombre de sous-amendements que nous avons déposés.
Comme hier, je voudrais rappeler notre désaccord avec cette procédure. Vous reconnaîtrez, monsieur le président, qu’il est important que chacun de nous soit extrêmement vigilant au regard de la procédure suivie pour nos débats et pour l’élaboration de cette loi, notamment parce qu’il s’agit d’une loi organique dont la solennité et l’importance requièrent la plus grande prudence et le plus grand soin.
M. le secrétaire d’État invoque l’article 44, alinéa 2, de la Constitution qui prévoit que : « Après l’ouverture du débat, le Gouvernement peut s’opposer à l’examen de tout amendement qui n’a pas été antérieurement soumis à la commission ».
M. Jean-Pierre Soisson. Vous l’avez déjà dit hier !
M. François Brottes. M. Karoutchi ne respecte pas la loi !
M. Jean Mallot. Mais, monsieur Soisson, le secrétaire d’État ayant dit hier la même chose, nous sommes fondés à redire aujourd’hui ce que nous avons déjà dit hier !
L’article 99 de notre règlement relatif aux amendements précise que les délais prévus au présent article ne sont pas applicables aux sous-amendements.
Vous reprochez à ces sous-amendements de ne pas avoir été examinés en commission. N’étant pas soumis, par définition, aux mêmes délais que les amendements, ils n’ont pas pu être déposés à temps pour être examinés en commission. Cela dit, rien n’empêchait le président de la commission des lois de réunir sa commission.
M. Jean-Jacques Urvoas. Absolument !
M. Jean Mallot. En ne le faisant pas, il a sciemment organisé l’irrecevabilité prétendue de ces sous-amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Rien n’empêchait que ces amendements soient examinés par la commission des lois.
M. Jean-Jacques Urvoas. Tout cela a été prémédité !
M. Jean Mallot. Le président Warsmann, en ne réunissant pas sa commission, a implicitement reconnu que ces sous-amendements n’étaient pas soumis au même régime que les amendements et qu’ils pouvaient être examinés en séance sans que le Gouvernement puisse opposer l’article 44, alinéa 2, de la Constitution. La démonstration est limpide.
J’ajoute que cet article concerne les amendements qui n’ont pas été examinés en commission. Or l’essentiel des sous-amendements en question correspondent mot à mot, dans leur contenu et leur rédaction, à des amendements qui, eux, ont été examinés en commission. Par conséquent, chacun de ces textes a fait l’objet dans son contenu précis, à la virgule près, d’un examen en commission. Aussi est-il évident que l’article 44, alinéa 2, ne saurait s’appliquer à eux.
Monsieur le président, je vous demande donc de contester la demande de M. le secrétaire d’État en lui opposant les arguments que je viens de développer, et de faire en sorte que ces sous-amendements soient examinés par notre assemblée, ou, à défaut, de demander au président de la commission des lois de bien vouloir réunir sa commission, comme il en a tout loisir.
Ayant repris la discussion, nous pourrons alors examiner les sous-amendements puis poursuivre la procédure comme il se doit dans le respect de notre règlement et de la Constitution de notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. Monsieur Mallot, par définition, ces amendements sous-amendés étaient parfaitement connus de leurs auteurs. On ne peut pas dire qu’ils soient récents puisqu’ils sont en distribution depuis le 12 janvier dernier.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. L’amendement n° 3354 est distribué depuis le 4 janvier, et chacun de nos collègues a donc eu la possibilité de le sous-amender ou de déposer un nouvel amendement avant les réunions de la commission et l’ouverture du débat.
M. le président. Je tiens à ajouter que le Gouvernement n’a fait qu’user d’une de ses prérogatives (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC) : celle que lui confèrel’article 44-2 de la Constitution.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Monsieur le président, je souhaite donner l’avis de la commission sur cet amendement. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. Christian Paul. C’est inadmissible !
M. le président. Monsieur Paul, je vous prie de vous calmer.
La parole est à M. Laurent Fabius, pour un rappel au règlement.
M. Laurent Fabius. Il s’agit d’un point important car, au-delà du texte que nous examinons, ce qui est en jeu, c’est toute une conception de notre travail. L’argumentation de M. Mallot est implacable. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean-Michel Fourgous. M. Mallot n’a donné aucun argument !
M. Laurent Fabius. Je souhaiterais, sans énervement, vous renvoyer à la Constitution. Vous l’avez sous les yeux. L’article 44 n’évoque à aucun moment les sous-amendements : chacun peut le constater.
Mme Delphine Batho. Exactement !
M. Laurent Fabius. Dans son deuxième alinéa, il précise que « le Gouvernement peut s’opposer à l’examen de tout amendement ».
Si la Constitution avait voulu dire « sous-amendement », elle l’aurait dit. L’argumentation de M. le secrétaire d’État est donc inopérante – chacun est capable de le comprendre.
M. Claude Goasguen. Attendez la décision du Conseil constitutionnel !
M. Laurent Fabius. Par ailleurs, veillons à ne pas laisser se développer une sorte de jurisprudence qui biaiserait les textes, car nous courrions le risque de ne plus pouvoir nous exprimer.
En effet, la commission, d’après ce qu’on m’a rapporté car je n’en suis pas membre, s’est réunie durant cinq ou six heures pour examiner toute une série d’amendements. Après quoi on nous annonce que les amendements qui n’ont pas été déposés en commission ne peuvent pas être examinés en séance, et enfin, au cours de la séance elle-même, que les sous-amendements non plus ne peuvent pas être examinés, si bien que, peu importe la durée de nos débats en séance, les six heures de réunion de la commission en constitueront à elles seules le contenu ! Comment pouvez-vous nous accuser de faire de l’obstruction au moment même où vous construisez une jurisprudence qui, sans aucun fondement constitutionnel, réduit la totalité d’un débat, qui engage l’avenir du Parlement, au contenu des six heures de réunion de la commission ? Ce n’est pas acceptable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. François Brottes. Monsieur le président, faites respecter le règlement !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Monsieur Fabius, j’évoquerai, comme vous, la conception de notre travail.
Votre groupe a choisi, depuis ce matin, de nous asséner quatorze séries de vingt-deux amendements identiques,…
M. Jean-Michel Fourgous. Scandaleux !
M. Roland Muzeau. C’est pédagogique !
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. …dont nous n’avons fait que commencer à examiner la première.
Or, tandis que nous l’examinions – et cet examen n’est pas encore achevé –, votre groupe a fait déposer, dans l’ordre suivant : un sous-amendement, une série de six sous-amendements, un autre sous-amendement, une autre série de six sous-amendements, puis deux séries – soit sept sous-amendements –, encore une série de six amendements. (Huées sur les bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et alors ?
Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Lamentable !
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il va de soi qu’il s’agit à chaque fois d’amendements ou de sous-amendements identiques ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Lorsque le président Fabius s’est exprimé, je l’ai écouté ! Mes chers collègues, la démocratie commence par le respect.
Je continue : votre groupe a encore fait déposer une nouvelle série de six amendements identiques – les mêmes, à la virgule près ! –, une nouvelle série de sous-amendements identiques, eux aussi à la virgule près, puis deux nouvelles séries qui représentent vingt-trois sous-amendements,… (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous prie de vous calmer.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. …enfin une nouvelle série de sous-amendements toujours identiques.
Monsieur le président, mes chers collègues, alors que l’Assemblée, avançant pourtant à marche forcée, n’a pas encore réussi à achever l’examen d’une série de vingt-deux amendements, on nous en dépose, également à marche forcée, soixante-dix autres, c’est-à-dire qu’on dépose en permanence trois à quatre fois plus d’amendements ou de sous-amendements qu’elle n’en examine ! C’est une attitude d’obstruction caractérisée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR),qui vise à bloquer les travaux de l’Assemblée nationale en lui imposant trois ou quatre amendements nouveaux pour chaque amendement examiné. (Vives protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Une telle obstruction constitue une violation caractérisée des règles de travail de l’Assemblée.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. La Constitution ! La Constitution !
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Le Conseil constitutionnel sera saisi et donnera son avis.
Par ailleurs, en ce qui concerne le contenu de nos travaux, je tiens à rappeler que nous avons examiné, en début de matinée, une série de vingt-deux sous-amendements identiques à la virgule près, dont l’objet était la création d’une procédure d’évaluation renforcée. Je vous ai alors expliqué qu’une telle procédure avait été écartée par la commission des lois parce que le Gouvernement, dans son projet, avait prévu de « doser l’ampleur de l’étude d’impact en fonction de l’ampleur du projet ». Or nous n’avons pas voulu entrer dans une logique qui conduirait à admettre la réalisation, d’un côté, d’études d’impact très légères et, de l’autre, d’étude d’impact normales. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé la réalisation d’études d’impact maximum pour tout projet de loi.
Vous avez alors choisi de déposer un amendement visant à prévoir de nouveau une procédure renforcée, que nous avions décidé de supprimer. Comme cela n’était pas cohérent – je l’ai dit –, nous nous y sommes opposés. Et vous voilà maintenant dans l’incohérence la plus complète, puisque vous nous présentez une liste d’une dizaine de thèmes de projets de loi pour lesquels vous demandez des études renforcées.
Ainsi, Mme Lemorton expose toute une théorie en faveur de l’adoption de l’amendement, exigeant que le rapporteur vienne se prononcer afin que les propositions de loi fassent l’objet d’études d’impact : mais ce n’est pas l’objet de cet amendement, madame.
M. Jean Mallot. Elle a le droit de s’exprimer !
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Mme Adam, quant à elle, exige que l’amendement soit voté parce qu’une procédure renforcée serait nécessaire en matière d’urbanisme commercial.
M. Jean-Marc Ayrault. Oui.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Monsieur Ayrault, relisez votre amendement : il ne concerne pas l’urbanisme commercial. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Jean Mallot. Dans ce cas, il faut déposer un sous-amendement ! (Sourires.)
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Mme Adam prétend également que les procédures d’études renforcées sont nécessaires en matière de médicament. Or l’amendement ne concerne pas le médicament !
Cela montre qu’une liste passe toujours à côté d’une multitude de domaines qui ne sont pas couverts. C’est bien la preuve que ce n’est pas la bonne solution.
M. Claude Goasguen. Très bien !
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Nous avons rejeté – je le rappelle –un premier amendement visant à créer une procédure renforcée : je vous ai dit pourquoi la commission l’avait refusé. Un deuxième amendement vise désormais à créer une procédure renforcée sur dix sujets. Je vous ai démontré l’incohérence de cette disposition : je vous invite à voter non. Eh bien, savez-vous à quoi seront occupées les prochaines heures de l’Assemblée nationale ? À examiner une dizaine d’amendements, déposés par séries de vingt-deux, dont chacun aura pour objet, comme on découpe un saucisson, de rendre obligatoire, pour chacun des sujets visés au précédent amendement, la procédure renforcée ! Ne s’agit-il pas de nouveau d’un cas patent d’obstruction ?
M. Jean-Claude Lenoir. Scandaleux ! Lamentable !
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Oui, c’est vraiment scandaleux ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Ainsi, treize séries de vingt-deux amendements identiques à la virgule près, totalement incohérents avec les travaux, ont été déposés à seule fin de bloquer les débats de l’Assemblée nationale. Monsieur le président, en tant que président de la commission, j’ai la liberté de dénoncer la situation de blocage dans laquelle l’opposition met l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Huées sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le Premier ministre Laurent Fabius, je tiens à vous faire part de mon étonnement devant cette contestation de l’application de la Constitution.
Les articles 40, 44 et 45 évoquent, en effet, le droit d’amendement tout en précisant son organisation et d’éventuelles restrictions. Or, dans aucun de ces articles, n’est évoqué le droit de sous-amendement ou son organisation, pour la simple raison que, de manière constante, la jurisprudence du Conseil constitutionnel fait un seul bloc de l’amendement et du sous-amendement. (« Non ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Je le répète : nulle part la Constitution n’évoque les sous-amendements ! Cela signifie que si, dans la pratique, la Constitution n’évoque par le sous-amendement, c’est que celui-ci est porté et, d’une certaine façon, bloqué, par l’amendement que, seul, la Constitution évoque.
M. Jérôme Lambert. De quelle jurisprudence s’agit-il ? Citez-la !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Nous avons déjà évoqué cette question hier : vous le savez aussi bien que moi, l’article 44-2 de la Constitution s’applique également aux sous-amendements qui n’ont pas été étudiés par la commission.
Je le dis très sereinement : je préférerais que nous en venions au débat de fond et que nous discutions de propositions permettant de faire avancer notre dialogue plutôt que d’en rester à cette situation d’obstruction. Ce n’est pas, je le répète, en déposant à la dernière minute des dizaines, voire des centaines de sous-amendements, que vous ferez avancer le dialogue entre nous.
Mme Patricia Adam. Nous le faisons avancer depuis une semaine ! Nous ne faisons même que cela !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. De deux choses l’une : ou bien vous acceptez l’idée de travailler avec nous afin de trouver des solutions, ou bien vous déposez des centaines de sous-amendements, et le Gouvernement demandera, de façon tout à fait naturelle, chaque fois qu’ils n’auront pas été évoqués en commission, l’application de l’article 44-2.
M. Jean-Marc Ayrault. Je demande la parole pour un rappel au règlement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean-Marc Ayrault. Il ne sert à rien d’être aussi impatients, mesdames et messieurs les députés de la majorité. Vous créez vous-mêmes les conditions de votre propre impatience. (Mêmes mouvements.)
M. Dominique Perben. Lamentable !
M. le président. Je vous demande de laisser M. Ayrault s’exprimer.
M. Jean-Marc Ayrault. Il ne s’agit pas de n’importe quel débat, monsieur le secrétaire d’État, puisque nous examinons un projet de loi relatif aux droits du Parlement ! Que nous soyons vigilants et exigeants sur le respect des droits des députés me semble la moindre des choses !
Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Nous le sommes aussi !
M. Jean-Marc Ayrault. Sinon, à quoi servirait ce débat ?
Nous avons déposé des amendements dont certains ont été examinés en commission, et vous les avez fait annuler. N’est-ce pas une atteinte au droit d’amendement ? Mais vous allez plus loin encore, puisque vous faites désormais annuler des sous-amendements déposés en séance !
Lorsque Lionel Jospin fut Premier ministre (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…
M. Jean Mallot. Époque bénie !
M. Jean-Marc Ayrault. …le premier texte examiné sous la législature…(Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Écoutez-moi, c’est une question de fond. (Mêmes mouvements) Si vous voulez recommencer comme hier soir, vous le pouvez ! Mais ensuite, ne venez pas vous plaindre que le débat n’avance pas !
M. le président. Monsieur Ayrault, je vous demande de poursuivre.
M. Jean-Marc Ayrault. Le premier texte, dis-je, qui a été examiné, portait sur le droit d’entrée et de séjour des étrangers en France.
Mme Delphine Batho. Absolument !
M. Jean-Marc Ayrault. Ce fut un débat de fond, difficile mais légitime.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.
M. Jean-Marc Ayrault. Le RPR, à l’époque, menait une bataille très dure. En séance, il défendait non seulement ses amendements mais également de nombreux sous-amendements. Or, à aucun moment le Gouvernement n’a utilisé l’article 44-2 de la Constitution pour éliminer ces sous-amendements. À aucun moment !
M. Jean Mallot. M. Accoyer le sait bien !
M. Claude Goasguen. Dix-sept fois !
M. Jean-Marc Ayrault. C’est la raison pour laquelle je tiens à vous rappeler à une pratique qui respecte la Constitution.
Je soulignerai cet autre point, qui est essentiel : si, à l’occasion de la réforme de la Constitution, sur laquelle le Congrès du Parlement s’est prononcé en juillet dernier,…
M. Jean-Pierre Nicolas. Eh oui !
M. Jean-Marc Ayrault. …vous aviez voulu modifier la jurisprudence relative aux sous-amendements, pourquoi ne pas avoir introduit dans l’article 44 une modification relative au droit de sous-amendement ? Vous ne l’avez pas fait ! C’est donc que vous ne vouliez pas y toucher. Mais aujourd’hui, parce que nos sous-amendements vous gênent et que vous voulez passer en force et changer toutes les règles du jeu, peut-être aussi parce que vous êtes, cet après-midi, minoritaires en séance (Exclamations sur les bancs du groupe UMP – Rires et applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR), vous avez entamé un travail de destruction dont vous porterez durablement la responsabilité. Ne nous accusez pas de faire de l’obstruction : nous faisons notre devoir et prenons nos responsabilités.
Monsieur le président, nous ne pouvons pas en rester là. Cette question doit être tranchée. M. Jean Mallot a fait une proposition. Monsieur le président de la commission des lois, réunissez votre commission, examinez ces sous-amendements. On ne peut pas continuer nos travaux cet après-midi alors que nous sommes traités de la sorte : nos amendements effacés, nos sous-amendements éliminés !
Monsieur le président, au nom de mon groupe, je veux une réponse à cette question essentielle. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Dans cette attente, je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.
M. le président. Avant de suspendre la séance, je vais procéder au scrutin public sur les amendements identiques en discussion. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Ils n’ont rien dit !
M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur les amendements identiques nos 3354 à 3375.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin :
(Les amendements identiques nos 3354 à 3375 ne sont pas adoptés.)
Suspension et reprise de la séance
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Copé, pour un appel au règlement.
M. Roland Muzeau. Obstruction !
M. Jean Mallot. Il faut profiter de ce que M. Copé est là !
M. Jean-François Copé. Je souhaite répondre aux propos tenus par le président Ayrault. Je mesure combien la politique est par moments un jeu de rôles. (Exclamations et rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. Jean Mallot. Et c’est vous qui dites ça !
M. Roland Muzeau. Avec vous c’est grand-guignol !
M. Christian Paul. Vous êtes un intermittent du spectacle politique, monsieur Copé !
M. Jean-François Copé. Je vois aujourd’hui la droite combattre l’obstruction et la gauche la promouvoir alors qu’en d’autres temps c’était exactement l’inverse.
M. Jean-Claude Lenoir. C’est vrai !
M. Jean-François Copé. Si, au début des années 80, nous nous sommes nous-mêmes montrés des plus inventifs, il faut bien admettre que, depuis, vous êtes à même de nous donner des leçons. Le moins que l’on puisse dire est qu’à la faveur de ce texte vous battez tous les records. À propos de votre créativité, le président Warsmann, avec beaucoup de conviction et d’efficacité, a rappelé les outils hallucinants que vous utilisez pour bloquer le travail parlementaire.
Monsieur Ayrault, j’ai noté que vous vous battiez beaucoup plus sur la procédure que sur le fond de vos amendements (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR),…
M. Jean Mallot. Sur quel article se fonde ce rappel au règlement ?
M. Roland Muzeau. Ce n’est pas un rappel au règlement !
M. Jean-François Copé. …ce qui me laisse penser que vous aussi, vous trouvez vos amendements grotesques – comment, du reste, imaginer qu’il en soit autrement ?
Quant à la procédure, monsieur Ayrault, laissez-moi vous dire que, quel que soit le combat que vous menez pour nous démontrer que nous avons tort, la jurisprudence est là. Constatez donc qu’en vertu de la Constitution, les amendements comme les sous-amendements qui n’ont pas été examinés en commission n’ont pas systématiquement vocation à être examinés en séance, dès lors que le Gouvernement en décide ainsi. Cela a déjà été appliqué à dix-sept reprises. Il n’y a donc vraiment pas de quoi s’affoler, à moins d’avoir la mémoire courte.
Et si vous avez la mémoire courte, monsieur Ayrault, je souhaite vous la rafraîchir sur au moins un point. Il y a quelques années, lorsque vous étiez dans la majorité, Mme Boutin, à l’occasion de l’examen du texte portant création du PACS,…
M. Jean Mallot. Mais sur quel article fondez-vous donc ce rappel au règlement ?
M. Jean-François Copé. …a exprimé son point de vue de façon très convaincante pendant cinq heures et vingt-cinq minutes.
Mme Delphine Batho. Il s’agissait de la discussion générale, pas de la discussion des articles !
M. Jean-François Copé. Vous vous relayiez dans la salle des quatre colonnes pour vous épouvanter : quel scandale que cette droite qui obstrue le débat !
M. Jean-Claude Lenoir. Exactement !
M. Jean-François Copé. Qu’avez-vous donc fait ? Vous avez d’autorité décidé de modifier le règlement pour que, désormais, les motions de procédure n’excèdent pas une demi-heure. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Mme Delphine Batho. Non, c’était une heure et demie !
M. Jean-Jacques Urvoas. C’est votre majorité qui a réduit cette durée à une demi-heure ! Monsieur Copé, vous mentez !
M. le président. Monsieur Urvoas, je vous en prie !
M. Jean-François Copé. Vous n’avez alors pas du tout considéré qu’il s’agissait d’une atteinte aux droits du Parlement. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Au contraire même, vous avez jugé que cette mesure honorait le Parlement ! D’ailleurs, l’opposition de l’époque s’était rangée à votre avis et, d’un bel ensemble, nous avons alors estimé, gauche et droite confondues, qu’il était temps d’en finir avec ces simagrées qui humiliaient le Parlement.
M. Jérôme Lambert. Vous n’écoutez pas l’opposition !
M. Jean-François Copé. Pour ma part, jusqu’à la dernière seconde de ce débat, avec mes amis du groupe UMP, nous nous battrons pour expliquer sans relâche que ce que nous faisons aujourd’hui ne revient en aucun cas à restreindre les droits de l’opposition, si l’on en juge par tout ce que nous apportons en matière de contrôle et d’évaluation, de partage de l’ordre du jour et d’initiative législative, et de bien d’autres dispositions, tel le droit de résolution.
Ce que nous voulons, monsieur Ayrault, c’est donner à cet hémicycle une autre physionomie que le visage lamentable que l’opposition lui donne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Parfaitement !
M. Jean-François Copé. Nous avons même vu un ancien Premier ministre socialiste se faire le complice de ces simagrées. Je vous le dis : j’en avais, hier soir, honte pour lui. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.
M. Jean-Marc Ayrault. J’avais en effet demandé la parole pour un rappel au règlement, mais M. Copé m’a pris de vitesse.
M. Jean Mallot. Il doit s’imaginer qu’il a la priorité !
M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur Copé, laissez-moi vous dire, avec sérénité, que votre attaque personnelle contre Laurent Fabius n’a aucune valeur.
M. François Brottes. Médiocre !
M. Laurent Fabius. Minable !
M. Jean-Marc Ayrault. Ce n’est pas du niveau d’un président de groupe, à plus forte raison du groupe majoritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations ironiques sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean Mallot. Exactement !
M. Jean-Marc Ayrault. Je n’en dirai donc pas davantage sauf pour rappeler, que nous ne sommes pas là pour nous lancer des attaques personnelles.
Vous avez prétendu me rafraîchir la mémoire ; cela ne me dérange pas.
M. Jean-François Copé. Eh bien, tant mieux !
M. Jean-Marc Ayrault. Je connais en effet très bien le sujet que vous avez évoqué. Sauf que votre exemple ne concernait pas le droit d’amendement – vous mélangez délibérément deux sujets – mais un cas d’espèce relatif au temps de parole.
M. François Brottes. Bien sûr !
M. Jean-Marc Ayrault. Oui, des règles existent pour limiter le temps de parole à l’Assemblée nationale. Ainsi, nous ne devons pas dépasser le temps qui nous est imparti, que ce soit au cours de la discussion générale, en réponse une déclaration du Gouvernement, lors de la discussion d’un article – chaque orateur disposant de cinq minutes – ou d’un amendement.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ni abuser des rappels au règlement…
M. Jean-Marc Ayrault. Les motions de procédure échappaient, jusque alors, à une telle limitation de temps. Vous avez évoqué la discussion relative à la création du PACS au cours de laquelle Mme Boutin, bible à la main, était intervenue pendant plus de cinq heures.
M. Henri Nayrou. Absolument !
M. Jean-Marc Ayrault. De même, s’étaient exprimés longuement MM. Lenoir et Devedjian.
J’avais alors dénoncé, en effet, l’absence de règles de temps de parole pour les motions de procédure. Nous avions dès lors modifié le règlement de l’Assemblée ensemble puisque l’opposition de l’époque avait voté cette modification limitant le temps de parole sur les motions de procédure à une heure trente !
M. François Brottes. Tout à fait !
M. Jean-Marc Ayrault. Cette règle a encore été modifiée puisque, sous la présidence de Jean-Louis Debré, le temps de parole pour les motions de procédure a été ramené à une demi-heure.
M. Jean Mallot. C’est toujours moins, avec la droite !
M. Jean-Marc Ayrault. Il s’agit donc bien du temps de parole et non du droit d’amendement ! Or soyons clairs : à la faveur de la discussion d’un texte des plus importants – une loi organique –, vous êtes en train de supprimer le droit de sous-amender en séance.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est inexact !
M. Jean-Marc Ayrault. Je vous rappelle que sous-amender revient à réaliser un travail parlementaire constructif. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Hautement constructif !
M. Jean-Marc Ayrault. Lorsque nous sommes en séance, que nous sommes à la recherche d’un compromis mais que vous n’acceptez pas tel amendement de l’opposition, vous-mêmes proposez parfois de rédiger un sous-amendement de conserve avec l’opposition. Le sous-amendement peut donc être considéré comme le symbole par excellence du travail parlementaire constructif.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Déposer un sous-amendement est constructif, mais soixante-dix, c’est autre chose !
M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président Warsmann, je réponds au président Copé. Ne m’interrompez pas, cela ne sert à rien.
M. Copé prétend que je parle beaucoup de procédure, mais c’est sur la procédure que porte cette loi organique ! Et quand mes collègues interviennent sur l’urbanisme commercial, c’est pour illustrer, notamment en ce qui concerne les études d’impact, les conséquences des dispositions qui seront adoptées dans cette loi. Il faut le faire pour que les Français sachent de quoi il retourne. Cela étant, il n’y a pas de problème : c’est bien une loi sur la procédure.
Si vous vouliez montrer de la bonne volonté, vous feriez une proposition. En particulier, le Gouvernement retirerait l’article 13, qui porte sur le droit d’amendement, et renverrait cette question au travail sur le règlement, sur lequel le groupe qui s’est réuni régulièrement autour de vous, monsieur le président Accoyer, a fait du bon travail. La plupart de ses propositions ont été adoptées à la quasi-unanimité. Restait la question du temps imparti à l’examen d’un projet de loi ; c’est là-dessus qu’il aurait fallu poursuivre le travail.
Et pour le poursuivre de façon constructive, dans la recherche d’un compromis, je vous le dis, mesdames et messieurs de la majorité, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois : faites un geste. Ce geste, c’est le retrait de l’article 13.
Sur le reste, vous voyez bien que nous sommes près d’arriver à un compromis, avec les propositions que nous faisons. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Et si vous faites cela, alors nous travaillerons intelligemment, de façon constructive, à l’élaboration d’un règlement de l’Assemblée qui a toujours été défini de façon consensuelle.
C’est l’appel que je vous lance, mesdames et messieurs de la majorité. J’espère qu’il sera entendu. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. En premier lieu, il ne serait pas possible, avec la meilleure volonté du monde, de rédiger les articles du règlement concernant le droit d’amendement, puisque la Constitution précise justement qu’ils doivent prendre appui sur une loi organique – celle que nous sommes en train d’examiner.
Deuxièmement, tous les articles du règlement n’ont pas été adoptés de façon consensuelle, hélas. Mais je suis d’accord avec vous, monsieur Ayrault, il faut toujours rechercher le plus large consensus possible.
Enfin, s’agissant de ce dont nous sommes en train de parler, c’est-à-dire de l’application de l’article 44, alinéa 2, de la Constitution, et s’agissant plus précisément des sous-amendements, je voudrais rappeler, en me bornant à la onzième législature, celle à laquelle vous avez fait référence tout à l’heure, que cette disposition a été utilisée par le gouvernement de Lionel Jospin à trois reprises au moins : le 10 décembre, sur une série de sous-amendements ; le 14 décembre ; et le 2 décembre, à nouveau sur une série de dix-sept sous-amendements.
De toute façon, puisqu’il s’agit d’une loi organique, ce texte sera bien entendu soumis à l’examen du Conseil constitutionnel.
Je vous donne la parole une dernière fois, monsieur Ayrault, après quoi nous reprendrons la discussion des amendements.
M. Jean-Marc Ayrault. Je respecte la présidence. Je l’ai toujours dit, et je continuerai. Mais nous n’attendons pas d’elle qu’elle prenne parti et qu’elle juge, en droit, ce qui est constitutionnel et ce qui ne l’est pas. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Sébastien Huyghe. Le président n’a fait que rappeler l’histoire !
M. Guy Lefrand. Oui, il a rappelé des données factuelles !
M. Jean-Marc Ayrault. C’est tout de même une question grave. On est en train de faire une analyse qualitative, y compris de ce qui s’est passé du temps du gouvernement Jospin.
Monsieur le président, on vous répète – et il semble que vous ayez fini par le croire – que le crédit temps que vous voulez mettre en place ne peut l’être que par une loi organique. Mais vous savez très bien qu’il a existé jusqu’en 1969 et qu’il n’a jamais fait l’objet d’une loi organique : c’était une disposition du règlement, et c’est une modification du règlement qui l’a supprimé. C’est bien là qu’est le vrai débat : l’exécutif veut nous imposer un règlement dont nous ne voulons pas, parce qu’il va brider l’expression des députés, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition. Voilà la vérité, et je ne comprends pas, monsieur le président, que vous ne vous fassiez pas le défenseur des droits sacrés des députés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. Monsieur Ayrault, le rôle de la présidence de séance, et encore plus du président de l’Assemblée nationale, c’est de faire respecter, d’une part, la Constitution, et d’autre part, le règlement.
Je n’ai fait que vous rappeler les circonstances dans lesquelles il a été fait application – une application aujourd’hui contestée – de l’article 44, alinéa 2, de la Constitution. Cet article a également été appliqué en d’autres circonstances. Je vous communiquerai les informations à ce sujet si vous le souhaitez.
Nous allons maintenant reprendre, si vous le voulez bien.
M. le président. Je suis saisi de vingt-deux amendements identiques, nos 3531 à 3552.
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l’amendement n° 3531.
M. Jean-Jacques Urvoas. L’amendement n° 3531 résulte du fait que la majorité, une fois de plus, n’a pas cru bon de donner son accord à l’amendement précédent, que nous avions voulu exhaustif. Imaginant, quand nous l’avons rédigé, que cela pouvait faire quelque difficulté, et supputant que quelques éléments contenus dans le texte pouvait justifier une hostilité, nous avons décidé de proposer cet amendement, qui ne concerne que les éléments de concertation préalable portant sur les services publics.
Chacun imagine bien que, dans ce domaine, les lois sont très attendues par nos concitoyens. Si vous me permettez cette illustration, nous espérons, en tant que membres de la commission des lois, un jour avoir à traiter du service public pénitentiaire.
Les prisons françaises sont aujourd’hui dans un état déplorable. La surpopulation carcérale est reconnue. Les différentes instances internationales, notamment le Conseil de l’Europe, sanctionnent la France en raison du statut qu’elle réserve à ses prisonniers, et de conditions de détention indécentes pour un pays qui prétend incarner les droits de l’homme.
Le Gouvernement a d’ailleurs déposé un projet de loi devant le Sénat, au mois de juillet dernier. Nous attendons toujours la date, hypothétique, du début de l’examen par le Sénat de cette loi pénitentiaire. J’ai même vu que nos collègues sénateurs souhaitaient forcer l’allure, puisque le président Hyest a fait délibérer la commission des lois du Sénat sur ce sujet, un rapport ayant été publié au mois de décembre dernier.
Et je lance, à cette occasion, un appel à M. le secrétaire d’État, dont je sais l’intérêt qu’il porte à ces questions, pour qu’il puisse préciser, dans le calendrier parlementaire, le moment où nous pourrions être saisis du service public pénitentiaire.
En l’espèce, justement, les conséquences potentiellement positives que pourrait avoir cette loi pénitentiaire justifieraient que l’on procède aux consultations que nous évoquons. Par exemple, les syndicats des personnels pénitentiaires ont sur ces questions un avis d’expert, que le Gouvernement devrait entendre plutôt que de se contenter d’écouter, par exemple, les services de l’administration pénitentiaire. Il y a là intérêt à la confrontation des points de vue.
Il se produit aujourd’hui, malheureusement, un certain nombre d’événements à l’intérieur des prisons qui justifieraient aussi des dispositions contraignantes amenant le Gouvernement à consulter ces instances de concertation.
Cela vaut également pour les autorités administratives indépendantes. Le Gouvernement a proposé – et c’était une bonne initiative – la création d’un contrôleur général des lieux de privation de liberté, à l’occasion d’un texte qui avait été rapporté, dans cette assemblée, par notre collègue Goujon. Le contrôleur général Delarue travaille maintenant depuis près d’un an. Nous attendons d’ailleurs avec beaucoup d’intérêt le rapport qu’il remettra à l’Assemblée. Mais là encore, dans le cadre de la réflexion préalable sur le service public pénitentiaire, il serait important qu’il soit entendu. Or, dans les faits, ce n’est pas le cas. Je me borne à le constater. Je ne fais pas, pour le coup, un procès d’intention au Gouvernement.
Avant de rédiger son projet de loi sur le service public pénitentiaire, il n’a pas consulté les associations. Il a créé une petite structure, un comité d’orientation, installé par Mme Dati et composé de quelques professionnels, dont la plupart ne sont d’ailleurs jamais venus, déçus par le peu d’intérêt que la garde des sceaux accordait à ses travaux. Elle n’a même pas attendu qu’il rende ses conclusions pour rendre public le projet de loi qu’elle avait l’intention de préparer, et qui s’inspirait largement de celui de Marylise Lebranchu, tout en expurgeant celui-ci des dispositions intéressantes qu’il contenait.
Constatant que le Gouvernement ne prend pas l’initiative, qui paraît pourtant évidente, de rencontrer ceux qui font profession de s’occuper du service public pénitentiaire, nous souhaitons donc que la loi rende obligatoires ces consultations.
M. le président. Je vous prie de bien vouloir conclure.
M. Jean-Jacques Urvoas. Je pourrais en dire tout autant de la Cour des comptes, qui elle aussi a émis des réserves sur cette question. Beaucoup de nos prisons sont malheureusement construites dans le cadre des partenariats public-privé, prétendument destinés à économiser l’argent public. Or, nous constatons, à l’occasion d’un certain nombre d’incidents survenus au mois de décembre, que dans certaines prisons construites par des groupes privés, les bâtiments loués à l’État sont loin de correspondre aux engagements que ces groupes avaient pris, ce qui est préjudiciable aux personnels comme aux détenus.
M. le président. Sur cet amendement n° 3531, je suis saisi d’une série de sous-amendements.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Je serai cette fois très bref, monsieur le président. Nous sommes exactement dans la même situation que tout à l’heure. Ces sous-amendements n’ayant pas été soumis à la commission, le Gouvernement fait application de l’article 44, alinéa 2, de la Constitution. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP. – (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. Si j’ai bien compris, le Gouvernement s’oppose, en application de l’article 44, alinéa 2, de la Constitution, à l’examen de ces sous-amendements au cas où ils n’auraient pas été soumis à la commission. Pouvez-vous me faire savoir, monsieur le rapporteur, s’ils ont été examinés par la commission ?
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ils ne l’ont pas été.
M. le président. Dans ces conditions, et conformément à l’article 100, alinéa 3, de notre règlement, il n’y a pas lieu de délibérer sur ces sous-amendements. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Christian Paul. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. Dino Cinieri. Un de plus !
M. le président. La parole est à M. Christian Paul.
M. Christian Paul. Un de plus, mais je crois qu’il est nécessaire de le faire. En voyant la position que vient de prendre une nouvelle fois le secrétaire d’État, en écoutant tout à l’heure M. Copé, en entendant les réponses du président de la commission des lois, nous avons le sentiment, chers collègues de la majorité, que vous préfigurez, cet après-midi, d’une façon terrible et détestable, ce que sera, si par malheur elle est votée, l’application de cette loi organique.
En tuant, cet après-midi, le droit de sous-amender pour les parlementaires de l’opposition,…
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est inexact !
M. Christian Paul. …d’une manière d’ailleurs tout à fait arbitraire, monsieur le secrétaire d’État – il y aurait les bons et les mauvais sous-amendements, à votre guise –, vous préfigurez l’assassinat du droit d’amendement, qui est au cœur même de ce projet de loi organique.
Après Jean Mallot, Laurent Fabius et Jean-Marc Ayrault, qui ont administré une démonstration juridique tout à fait imparable, je voudrais vous dire, monsieur Copé, que les propos que vous tenez aujourd’hui dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale ne sont pas tenus pour la première fois dans l’histoire du Parlement.
Je voudrais vous lire ces quelques lignes, monsieur Copé : « L’Assemblée discute librement la loi, l’adopte ou la repousse, mais elle n’y introduit pas à l’improviste de ces amendements qui dérangent souvent toute l’économie d’un système. À plus forte raison n’a-t-elle pas cette initiative parlementaire qui était la source de si graves abus et qui permettait à chaque député de se substituer à tout propos au Gouvernement. »
Mes chers collègues, ce n’est pas du Warsmann, ce n’est pas du Karoutchi, ce n’est pas du Jean-François Copé, c’est du Louis-Napoléon Bonaparte, dans une proclamation de 1852, quelques semaines après le 2 décembre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Ce qui prouve que dans notre histoire politique, ce que vous faites porte un nom. Ce n’est pas inédit. Cela s’appelle tout simplement une tentation autoritaire et une dérive bonapartiste.
Alors oui, nous sommes là pour résister, et nous continuerons à le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. Nous poursuivons l’examen des vingt-deux amendements identiques, nos 3531 à 3552. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Jean-Marc Ayrault. Je demande la parole pour un rappel au règlement !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour une minute. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, je voudrais vous poser une question dans le cadre de l’article 58-1 de notre règlement sur l’organisation des travaux de l’Assemblée nationale.
En tant que président de groupe, j’ai, aujourd’hui, mobilisé les députés de mon groupe. Ils sont venus, d’autres doivent nous rejoindre. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous le savez pour être, vous aussi, un député de province, ce n’est pas toujours facile d’organiser les déplacements, surtout le week-end, quand il y a moins de trains et d’avions.
M. Guy Lefrand. C’est difficile pour nous aussi !
M. Jean-François Copé. L’obstruction, c’est lourd à organiser !
M. Jean-Marc Ayrault. Ces députés, que j’ai mobilisés pour venir défendre les amendements et sous-amendements sur lesquels ils sont inscrits, que dois-je leur dire ? De venir pour ne pas parler ? De venir alors que vous aurez peut-être fermé les portes ? Je crois qu’il faut un minimum de respect envers les parlementaires. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je vous ai d’ailleurs demandé une audience pour vous l’expliquer. Monsieur le président cela vous concerne directement. J’aimerais que vous m’apportiez une réponse.
Plusieurs députés du groupe UMP. Assumez vos responsabilités !
M. le président. Vous savez, monsieur le président Ayrault, combien je partage la préoccupation, qui tend à devenir majeure, de l’organisation du temps législatif,…
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Absolument !
M. le président. …et combien nos compatriotes déplorent que ces difficultés, cette absence de programmation concourent à la vacuité chronique de l’hémicycle. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Nous devons avancer dans ce débat, avant même de penser à l’instant où nous quitterons cet hémicycle. Nous nous sommes entretenus de cette question, et vous savez que les conditions d’exercice du mandat de député sont pour moi une préoccupation particulièrement importante. Si vous voulez bien que nous avancions, nous pourrons cerner plus précisément le moment de la fin de nos travaux.
Pour le moment – et le Gouvernement a été précis sur ce point (Interruptions sur les bancs du groupe SRC),…
M. Jean Mallot. Pas vraiment !
M. le président. Monsieur Mallot, est-ce que la présidence peut s’exprimer ? Vous qui expliquez à longueur de temps que vous avez exercé au service du Gouvernement des responsabilités qui vous donnent des compétences particulières,…
M. Jean Mallot. Très minces !
M. le président. …ayez au moins le souci de montrer l’exemple en respectant la présidence, c’est-à-dire le cœur de cette institution. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La séance du soir n’est pas ouverte et, à ma connaissance, le Gouvernement n’a pas l’intention de demander son ouverture.
S’agissant de l’heure de levée de notre séance actuelle, je pense que nos compatriotes comme nos collègues sont en droit d’exiger que nous ayons quelque peu avancé, alors qu’il reste quelque 1 700 amendements, dont un très grand nombre sont identiques.
M. Philippe Cochet. Voilà un bon président !
M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour soutenir l’amendement n° 3532.
M. Arnaud Montebourg. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je voudrais défendre l’idée – c’est le fil directeur de nos interventions répétées depuis plusieurs jours et plusieurs nuits, sans relâche – que le Parlement ne doit pas sortir de cette réforme comme s’il était passé au laminoir.
M. Copé a tenu et tient toujours un langage…
M. Jean-François Copé. Convaincant !
M. Arnaud Montebourg. …irénique, nous faisant miroiter le rêve que les pouvoirs des parlementaires et du Parlement seraient renforcés,…
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. C’est vrai !
M. Arnaud Montebourg. …que de nouvelles franchises seraient acquises et que les citoyens n’en pourraient être que satisfaits.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Eh oui !
M. Arnaud Montebourg. Monsieur Copé, si tel était le cas, croyez-vous que nous passerions des heures, des nuits à vous apporter une légitime contradiction ?
Nous savons – comme le disait, il y a quelques instants, Christian Paul – que se prépare la restriction, par vous théorisée, du temps de parole, du temps d’examen, du temps de l’évaluation, du temps de la réflexion, du temps de la délibération. Toutes nos interventions, les unes après les autres – avec le cri, dirais-je, de la révolte – ont pour but de dire : ce temps-là, c’est le temps démocratique qu’une grande nation a besoin d’institutionnaliser, avant de prendre les décisions qui vont la concerner.
Lorsque nous défendons l’évaluation renforcée de tous les projets de loi relatifs aux services publics, ne croyez-vous pas qu’il aurait été nécessaire, après les mésaventures de La Poste, d’examiner un peu plus précisément les conséquences de ce qui est en train de se produire sur nos territoires ruraux, périurbains parce que l’on n’a pas procédé à cette évaluation ?…
Mme Delphine Batho. Très bien !
M. Arnaud Montebourg. Que constatons-nous ? La disparition rapide, brutale, autoritaire d’un service public, qui remonte pourtant à Louis XI. S’il a survécu à tant de régimes, de révolutions, de monarchies, de républiques (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), s’il est donc aussi intemporel, il pourrait résister même aux assauts du libéralisme dont vous êtes les tenants.
Nous réclamons ce travail d’analyse, d’évaluation, et vous nous le refusez obstinément.
Monsieur Copé – je m’adresse de façon solennelle au président du groupe UMP –, je voudrais vous faire entendre la voix de la population. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés du groupe UMP. La voix des militants du PS !
M. Arnaud Montebourg. Il s’agit d’un sondage de l’institut CSA, réalisé en décembre 2008 pour La Chaîne Parlementaire. C’est très intéressant et cela va instruire beaucoup de nos collègues, qui semblent si sûrs de leur fait et de leur opinion.
À la question: « Selon vous, les parlementaires de l’Assemblée nationale contrôlent-ils suffisamment ou insuffisamment le pouvoir exécutif, c’est-à-dire le Président de la République et le Gouvernement ? »,…
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Vous nous l’avez déjà lu deux fois dans l’hémicycle !
M. Arnaud Montebourg. … les Français interrogés sont 30 % à répondre « suffisamment » et 59 % à répondre « insuffisamment ». (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Souffrez tout de même que nous demandions à la majorité, qui commence à faire preuve de brutalité, de remédier justement à ce déficit !
Plusieurs députés du groupe UMP. C’est ce que nous faisons !
M. Arnaud Montebourg. C’est tout l’objet du combat, que nous sommes en train de mener.
M. le président. Cher collègue, je vous prie de conclure.
M. Arnaud Montebourg. Je conclus. S’il y a dans la société des problèmes qui ne peuvent se résoudre ici et qui ne peuvent se discuter ici, c’est ailleurs qu’ils se discuteront – ou qu’ils ne se discuteront même plus. La France, vous le savez parfaitement, est une cocotte-minute. Les foyers de tension se multiplient dans le pays. Si, à l’Assemblée nationale, il ne reste plus que le bâillon (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), je crains que vous n’ayez quelques problèmes pour votre propre avenir.
M. le président. La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour soutenir l’amendement n ° 3533.
Mme Aurélie Filippetti. Cet amendement essentiel porte sur la nécessité des études d’impact, c’est-à-dire d’une forme d’évaluation renforcée pour les textes concernant l’avenir des services publics dans notre pays.
Nous savons à quel point nos concitoyens, mais aussi chacun d’entre nous, sont attachés à la défense, à la pérennité, à la consolidation et à la qualité de ces services publics.
Les services publics obéissent à certains grands principes : l’universalité, l’égalité, l’accessibilité, la neutralité, l’objectivité. Ces principes sont plus que jamais d’actualité aujourd’hui, au cœur de la crise économique mondiale, issue d’une dérégulation absolue et incontrôlée.
Quand on envisage la privatisation de La Poste, il faut – je crois qu’une majorité de nos concitoyens en seraient d’accord – prendre, ici, le temps d’un débat de qualité, éclairé par des évaluations, des études d’impact renforcées, portant sur tous les aspects, toutes les conséquences de la privatisation de La Poste.
Il en va de même pour l’hôpital. Pendant la trêve de Noël, un certain nombre de tragédies ont eu lieu dans les hôpitaux. Nous sommes tous attachés à la qualité de l’hôpital public en France.
M. Franck Gilard. Démagogie !
Mme Aurélie Filippetti. Là aussi, ne croyez-vous pas que nos concitoyens mériteraient de disposer d’études d’impact approfondies, renforcées, sur l’avenir de l’hôpital public, du service public hospitalier ?
Quant à l’éducation nationale, la proposition de supprimer, dans les RASED, 3 000 postes qu’occupent des enseignants formés spécifiquement pour les enfants les plus en difficulté, aurait-elle été émise si nous avions disposé d’études d’impact précises, montrant à quel point les RASED sont importants pour ces enfants ?
M. Jean-Michel Fourgous. Est-ce que ça marche, au moins ?
Mme Aurélie Filippetti. Parlons également de la justice. Il y a eu, l’an dernier, 115 suicides dans les prisons françaises.
M. Philippe Cochet. Et combien chez les victimes ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Mme Aurélie Filippetti. Nous préparons une loi pénitentiaire sans disposer d’aucune étude d’impact sur les conséquences de ce texte pour la qualité du service public de la justice. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Et je pourrais aussi parler du logement…
Vous avez dit en commission, monsieur le rapporteur, que vous étiez d’accord sur la nécessité d’avoir des études d’impact. Aujourd’hui, vous nous dites : « Si vous faites des études d’impact renforcées, cela veut dire que vous en revenez à la position du Gouvernement, qui voulait des études d’impact light sur certains sujets. » Non ! Nous refusons non seulement qu’il y ait des études d’impact light, mais aussi que, sur certains textes, il n’y en ait pas du tout.
Nous considérons que, sur certains sujets, et en particulier sur les services publics, il faut des études d’impact approfondies. Il faut des phases de concertation avec les associations, avec les syndicats et avec l’ensemble de nos concitoyens, avec tous les groupes politiques, et il faut surtout du temps. Ce temps, c’est aussi celui que nous devons prendre aujourd’hui pour discuter d’une loi organique qui va modifier durablement notre manière d’exercer nos pouvoirs.
Oui, il faut du temps, et c’est bien la qualité première du politique que de savoir prendre son temps, d’anticiper les problèmes de demain afin d’essayer de les résoudre dès aujourd’hui. De grâce, laissez-nous ce temps du débat, d’autant que nous n’en avons pas abusé. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je l’ai rappelé hier : en trente ans, seuls sept textes ont connu une discussion supérieure à cent heures – à l’initiative de la droite, d’ailleurs, pour quatre d’entre eux. Les débats les plus longs qui aient agité cet hémicycle sous l’actuelle législature ont concerné le service public de l’audiovisuel : 78 heures – deux fois trente-cinq heures ! –, ce n’est pas excessif pour défendre ce contre-pouvoir fondamental qu’est l’audiovisuel public.
Le temps que nous prenons aujourd’hui, ici, pour débattre de la loi organique n’est pas excessif. C’est le travail que nos concitoyens attendent de nous. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l’amendement n° 3534.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La majorité conviendra sans doute avec nous de deux points, à mes yeux importants quant à la justification de cet amendement.
Le premier est qu’un projet de loi qui touche au service public doit nécessairement être conçu dans le souci de le respecter. Je crois que nous partageons tous ici l’idée que le service public est le patrimoine de la République et que nous ne devons y toucher que pour l’améliorer, pour le construire, pour rendre un service plus fort à nos concitoyens.
Je crois que nous partageons tous également l’idée que le service public est au cœur de la vie de notre corps social et qu’il est l’expression la plus forte des valeurs de la République.
Cela veut dire que, si la loi modifie le service public, elle ne doit le faire qu’après que toutes les précautions ont été prises pour n’en altérer ni l’efficacité, ni l’intérêt pour l’ensemble de nos concitoyens, sauf à considérer qu’il ne doit plus exister.
C’est pourquoi nous suggérons une approche spécifique aux projets de loi proposant de modifier les services publics. Nous sommes nombreux à exercer des responsabilités dans le cadre des services publics. Il y a quelques jours, je commentais, avec des élus du territoire dont je suis l’un des élus, l’énième ordonnance qui doit conduire à modifier les conditions de passation des marchés publics. Je défie quiconque ici de connaître parfaitement ces conditions ! Notre connaissance en est approximative et nous devons en permanence nous appuyer sur les services administratifs afin d’être sûrs de ne pas commettre d’erreurs ! Telle est la réalité.
Autre exemple : le service d’accueil des enfants en cas de grève des enseignants. Si on avait procédé à une évaluation préalable, on aurait évité beaucoup d’émotions au ministre, qui s’est battu contre vents et marées pour faire admettre l’idée que le service d’accueil était le nec plus ultra du progrès et résoudrait les problèmes des parents d’élèves, avant de minauder pour expliquer ensuite qu’il fallait revoir le dispositif, voire le remettre en cause !
M. le président. Mon cher collègue, je vous prie de conclure.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Lorsque, deux mois après l’adoption d’une loi, un ministre est obligé d’annoncer qu’il faut la réviser, c’est qu’il n’a pas pris assez de précautions préalables. C’est qu’il a méprisé, non seulement les personnes chargées de la mise en œuvre du dispositif (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), mais, plus grave, les bénéficiaires supposés de celui-ci !
C’est pour éviter de tels errements que nous avons déposé ces amendements, afin que des ministres de la République ne se trouvent plus dans l’obligation de se disculper d’une manière aussi lamentable. Il n’est pas étonnant que, devant un tel spectacle, nos concitoyens ne croient plus ni à l’action publique ni à la compétence de la République à assumer les missions de service public.
Mme Valérie Boyer. Cela fait longtemps qu’ils ne vous croient plus !
M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert, pour soutenir l’amendement n° 3535.
Compte tenu du fait que ces amendements sont identiques et que tous les arguments ont été avancés, à de multiples reprises, j’interromprai, en application du règlement, les interventions redondantes avant que la totalité du temps de parole imparti à l’orateur ne soit écoulé. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Censure !
M. Jérôme Lambert. J’espère, monsieur le président, que, dans votre grande mansuétude – dont vous avez fait preuve jusqu’à maintenant –, vous me laisserez achever ma courte prise de parole, d’autant que j’interviens dans ce débat pour la première fois.
Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Et alors ?
M. Jérôme Lambert. J’ai naturellement suivi tous les travaux de la commission et j’ai assisté durant de nombreuses heures à notre débat. Comme la plupart d’entre vous, j’ai dû, pour être présent aujourd’hui, annuler un grand nombre de rendez-vous. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Dino Cinieri. Comme tout le monde !
M. Jérôme Lambert. Et j’ai dû faire de même concernant la journée de lundi prochain. (Même mouvement.)
M. Georges Siffredi. Venez-en au fait !
M. Jérôme Lambert. J’ai dû justifier ces annulations auprès des élus et des responsables d’associations que je devais rencontrer.
M. Guy Lefrand. Vous parlez pour ne rien dire !
M. le président. Venez-en plutôt aux arguments nouveaux que vous avez à présenter, mon cher collègue. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Jérôme Lambert. J’ai dû expliquer à mes interlocuteurs que je me devais d’être présent dans l’hémicycle pour défendre les droits du Parlement que mettez à mal par votre projet de loi.
Je me demande en revanche, chers collègues de la majorité, quels arguments vous avez pu invoquer pour justifier votre absence dans vos circonscriptions ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Avez-vous fait valoir que vous siégiez pour juguler les droits de l’opposition ? (Protestations sur les mêmes bancs.)
M. Jean-Frédéric Poisson. Obstruction !
M. Jérôme Lambert. J’aurais été curieux d’entendre vos arguments !
M. le président. Monsieur Lambert, je vous prie d’en venir à votre amendement.
M. Jérôme Lambert. L’amendement que je défends vise à imposer une obligation d’évaluation renforcée à la charge du gouvernement pour les projets de loi relatifs aux services publics. L’expérience a montré que de tels projets sont parfois déposés sans avoir été suffisamment pensés en amont. L’éducation, la santé, la sécurité, les transports ou La Poste, éléments fondamentaux de la vie quotidienne de nos concitoyens, sont directement concernés par l’organisation des services publics, qui sont au cœur de notre pacte social. Leur renforcement, à l’heure où dans des biens des domaines, tout se délite, est une nécessité pour conserver le lien social qui fonde ce pacte.
L’adaptation de ces services est une nécessité, non pour en diminuer l’importance et la portée – comme c’est le cas depuis plusieurs années, avec les politiques conduites sous la présidence de M. Chirac comme sous celle de M. Sarkozy, par les gouvernements de droite successifs de MM. Raffarin, de Villepin et Fillon –, mais pour les adapter et les renforcer en tenant compte des circonstances et des conditions de vie de plus en plus difficiles de nos concitoyens, car le moins qu’on puisse dire, c’est que la société connaît des évolutions, pour la plupart négatives.
Aussi, dans l’avenir, devrons-nous veiller que les dispositions législatives relatives à l’organisation des services publics soient scrupuleusement préparées afin de répondre aux attentes de nos concitoyens et qu’un meilleur service leur soit rendu. On en mesure les enjeux dans plusieurs projets de loi…
M. le président. Merci, monsieur Lambert.
M. Jérôme Lambert. Je conclus, monsieur le président.
Je veux parler du projet de loi sur le regroupement des forces de sécurité au sein du même ministère, celui de l’intérieur où vont cohabiter, sous la même autorité, les forces de gendarmerie nationale et de police nationale. Comme si cela allait de soi aujourd’hui, alors que l’organisation de ces deux corps de sécurité, l’un sous statut civil, l’un sous statut militaire…
M. le président. Merci, monsieur Lambert.
M. Jérôme Lambert. Laissez-moi au moins terminer ma phrase, monsieur le président !
M. le président. Au titre de l’article 54-2,je considère que l’Assemblée est suffisamment éclairée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. René Dosière, pour soutenir l’amendement n° 3536.
M. Jérôme Lambert. C’est de pire en pire ! On ne peut même pas conclure son intervention !
M. le président. Il est pour le moins paradoxal que le simple fait d’appliquer le règlement tel qu’il est rédigé soit contesté par ceux-là mêmes qui affirment défendre les droits du Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Vous avez la parole, monsieur Dosière. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Jean Mallot. Avec Mme Vautrin, cela n’a pas posé de problème ce matin !
M. René Dosière. Par l’amendement n° 3536, qui vise à imposer une évaluation renforcée pour les projets de loi relatifs aux services publics, nous voulons réhabiliter le rôle du législateur, lequel est d’ailleurs beaucoup plus menacé par le recours accru aux procédures d’examen en urgence que par la longueur des débats.
Mme Valérie Boyer. En l’occurrence, stériles !
M. René Dosière. J’en veux pour preuve le texte sur le service minimum d’accueil des enfants en cas de grève des enseignants, qui venait du Sénat et qui a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 27 juin 2008. Le rapport de l’Assemblée nationale a été rédigé le 9 juillet. La séance publique s’est tenue le 15 et le 16 juillet – on a tout de même évité le 14 juillet ! – et la CMP a eu lieu le 23 juillet. Voilà un exemple de débat précipité, avec les conséquences que l’on sait : les petites communes ont été dans l’impossibilité d’appliquer cette disposition, et le ministre de l’éducation a demandé aux préfets de saisir le tribunal administratif, pour être immédiatement contredit par le Président de la République !
Comment ne voyez-vous pas que ce type de comportement incohérent est beaucoup plus préjudiciable au travail législatif qu’un débat dont la discussion se prolonge ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J’ai lu les déclarations du président du groupe UMP ainsi que celles du président de l’Assemblée nationale sur les débats relatifs à l’audiovisuel. Selon M. Copé, il s’agissait d’obstruction manifeste et pour le président Accoyer, il était absurde d’affirmer une telle chose, car, selon lui, le débat s’était déroulé normalement. Comme quoi, l’obstruction est pour le moins une notion relative !
M. le président. La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour présenter des arguments nouveaux à l’appui de l’amendement n° 3537.
Mme Marietta Karamanli. Je n’utiliserai pas les cinq minutes qui me sont imparties.
M. le président. Elles ne vous sont imparties que si vous apportez des arguments inédits, utiles à la réflexion de l’Assemblée. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Ainsi le veut l’article 54-2 du règlement.
Mme Marietta Karamanli. S’agissant des projets de loi relatifs aux services publics, une phase de consultation et d’enquête publique semble de plus en plus nécessaire compte tenu du contexte de crise économique et sociale que nous vivons. Associer un maximum d’acteurs est primordial, car on est toujours plus intelligent à plusieurs ! Si, pour des textes concernant le logement, La Poste ou l’hôpital, cette méthode avait utilisée par le passé, on aurait évité bien des réactions négatives de la part de nos concitoyens.
La représentation nationale se doit de protéger nos concitoyens et de défendre les services publics. Nous sommes tous, à gauche comme à droite, confrontés, dans nos communes et nos départements, à la disparition d’un certain nombre de services publics et à la contestation qui monte. Par ailleurs, notre pays devrait également réfléchir à des services publics nouveaux qui manquent cruellement aujourd’hui, comme, par exemple, un service public de la petite enfance et du temps périscolaire, afin de répondre, entre autres, aux suppressions des classes maternelles.
M. le président. La parole est à M. Jacques Valax, pour soutenir l’amendement n° 3538.
M. Jacques Valax. Quelle que soit la teneur des mes propos, je vous demande, monsieur le président, de ne pas m’empêcher d’aller jusqu’au bout de mon intervention, car je souhaite vous proposer une réflexion d’ordre général. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Qu’est-ce que cela veut dire, monsieur le président ?
M. le président. Apportez vos arguments et enrichissez le débat, c’est tout ce que l’on vous demande, monsieur Valax !
M. Jacques Valax. Que l’on soit comme vous, chers collègues de la majorité, désireux de satisfaire les exigences démesurées d’un Président de la République profondément tenté, voire obsédé, par une inclination naturelle à l’autoritarisme, voire au bonapartisme… (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP)
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Un peu de respect ! Nous sommes en démocratie, votre agressivité n’est pas de mise !
M. Jacques Valax. C’est la réalité, chers collègues. Vos exclamations, sont la preuve que le Président de la République semble avoir acquis, sur chacun de vous, un pouvoir indéfectible !
Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est inadmissible !
M. Jacques Valax. C’est la preuve de votre absence de liberté, qui m’attriste profondément ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs.)
Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est la preuve que vous êtes à court d’arguments !
M. Jacques Valax. Je suis fier d’appartenir à l’opposition lorsque je vois quelles sont vos intentions ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je revendique le statut de l’opposition !
M. le président. Monsieur Valax, présentez-nous vos arguments !
M. Jacques Valax. Nous sommes acharnés à défendre les attributs de notre rôle…
M. Jean-Frédéric Poisson. Gardez vos attributs pour vous, cher collègue ! (Sourires.)
M. Jacques Valax. Nous défendrons avec acharnement les attributions que nous confère notre rôle. Je m’étonne, alors que nous sommes réunis depuis quatre jours et que nous débattons depuis quatre-vingt-seize heures, que ni la presse, ni la télévision n’aient estimé devoir rendre compte de nos discussions. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je serais, dès lors, tenté de dire que l’opposition est déjà bâillonnée (Même mouvement) et que nous avons déjà perdu.
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie, écoutez l’orateur et, surtout, guettez les arguments... (Rires sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jacques Valax. Les arguments arrivent, monsieur le président !
Aujourd’hui, il me paraît d’autant plus important d’exiger que les droits du Parlement soient à jamais maintenus. Hier, j’ai considéré que notre ami Montebourg allait un peu loin (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP) quand, avec un peu d’emportement, il a dit que vous étiez sectaires. Je me demande cependant si vous n’avez pas adopté la conduite de ces sectes qui, parfois, vont jusqu’au suicide collectif. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Assez d’insultes ! Chaque jour, nous nous faisons traiter de sectaires ! Ça suffit !
M. Jacques Valax. Nous ne sommes pas loin de constater que vous êtes prêts à renoncer aux pouvoirs qui sont les vôtres.
Monsieur le président, j’en viens à un sujet qui vous intéresse et qui nous préoccupe. Je suis profondément attaché au service public de l’éducation nationale. (« Nous aussi ! » sur les bancs du groupe UMP.) Or, plus que tout autre, il est aujourd’hui en danger. Il mérite que chaque projet de loi le concernant fasse l’objet d’une réflexion et d’une concertation, qu’un temps de réaction soit laissé, et un temps d’amendement – toutes choses que vous voulez supprimer.
M. Claude Goasguen. Mais tout ça, c’est dans le texte !
M. Jacques Valax. Rappelez-vous la leçon de Condorcet : « L’éducation est le pilier de notre démocratie. » C’est l’instruction publique qui permet à tous les citoyens d’exercer un regard critique sur les lois votées par leurs représentants. C’est ce regard critique que vous voulez éteindre, et c’est ce contre quoi je me battrai jusqu’à mon dernier souffle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert, pour soutenir l’amendement n° 3543.
M. Jean Gaubert. Monsieur le président, vous nous avez demandé d’avancer des arguments nouveaux : j’en vois plusieurs à présenter, issus des récentes décisions prises par l’Assemblée. Il y a quelques mois, par exemple, nous avons examiné la loi relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, qui, bien qu’imparfaite, a été votée même par l’opposition. Si nous voulons être fidèles à son esprit, nous ne légiférerons plus après son adoption comme nous le faisions avant. Tous les textes qui nous seront soumis, nous devrons les examiner à la lumière de ces principes. Certes, la loi n’est pas entièrement votée, puisque le Sénat doit encore en discuter, mais nous ne sommes plus à cela près avec la majorité, certains textes – par exemple la loi sur l’audiovisuel public – étant appliqués avant d’être adoptés définitivement.
M. Guy Lefrand. C’est ce que vous appelez un nouvel argument ?
M. Claude Goasguen. Il ne pourrait pas nous lire la Bible ? Ce serait plus amusant !
M. Jean Gaubert. Déjà, la semaine dernière, nous aurions pu soumettre à ce nouveau regard le texte sur l’essai de sortie de crise, le plan ambitieux et insuffisant que vous avez présenté et qui, en tous points, contredit les principes du Grenelle de l’environnement.
Vous passez votre temps à voter, les uns après les autres, des textes qui se contredisent. Il est donc bien nécessaire de regarder, avant de voter un nouveau texte, ce qui a déjà été adopté et de réaliser une étude d’impact.
Ces préceptes devraient également s’imposer en matière de service public. Quand on supprime certains services publics dans les territoires ruraux pour les transférer dans la ville-centre, on ne se pose jamais la question du coût environnemental lié aux déplacements qui résultent de ces décisions, ou de leur coût social.
C’est bien parce qu’il nous faut avoir une vue d’ensemble, prenant en compte les nécessités du développement durable, que ces études d’impact doivent être réalisées avant l’examen de tout projet de loi relatif aux services publics.
M. le président. La parole est à M. Jean Mallot, pour soutenir l’amendement n° 3544.
M. Jean Mallot. Monsieur le président, comptez sur moi pour m’en tenir strictement aux questions de fond. Nous parlons de l’évaluation renforcée, sujet qui fait écho à la notion de réforme de grande ampleur qui figurait dans la version initiale du projet de loi organique.
Nous proposons en effet que les projets de loi relatifs aux services publics fassent l’objet d’une évaluation renforcée, et qu’il soit notamment recouru à la procédure d’enquête publique. Pour illustrer mon propos, je voudrais évoquer un sujet qui nous a occupés à plusieurs reprises et sur lequel nous reviendrons à l’occasion de l’examen du projet de loi sur l’hôpital : la question de l’accès aux services de santé et aux médecins de premier recours. Les élus des départements ruraux ne sont pas seuls à bien connaître ces difficultés, car, même dans les quartiers de nos villes, l’accès au médecin est extrêmement difficile. Tout le monde a lu le rapport sur la démographie médicale rédigé par notre collègue Bernier, député de la Mayenne, dans le cadre d’une mission d’information présidée par Christian Paul. Ce document formule différentes propositions dont nous souhaitons nous inspirer.
Chaque fois que ce sujet sensible a été évoqué, notamment par le Gouvernement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 – avec des mesures qui ont été mal perçues et qui ont suscité des réactions vigoureuses des étudiants et des internes –, nous avons collectivement été amenés à reculer. Fallait-il prendre des dispositions coercitives ? Fallait-il remettre en cause la liberté d’installation ? Telles sont les difficultés auxquelles nous nous sommes heurtés. Les collectivités locales ont donc été amenées à prendre, de leur côté, des mesures décousues, les unes accordant des bourses, les autres finançant une maison médicale. Si les travaux d’évaluation préalable pouvaient être réalisés, tels ceux de la mission Paul et Bernier, si une consultation publique pouvait être réalisée sur de tels sujets, nos interlocuteurs dans le monde médical seraient incités à prendre en considération les difficultés de nos concitoyens, et je suis convaincu que leur attitude à l’égard des mesures proposées par les parlementaires et le Gouvernement serait différente.
Pour conclure – sans m’éloigner toutefois de la question de fond –, je voudrais observer que cet exemple est tout à fait emblématique : plutôt que de se contenter d’évaluer a posteriori une situation en déplorant qu’elle ne soit pas meilleure et en constatant qu’on ne peut rien faire, n’aurait-on pas intérêt à réaliser des études préalables complètes, synthétiques, qui, étant bien perçues par le public, nous donneraient la force et l’énergie nécessaires pour élaborer enfin des réformes qui, elles, produiraient un effet ?
M. le président. La parole est à M. Henri Nayrou, pour soutenir l’amendement n° 3546.
M. Henri Nayrou. Cet amendement vise à renforcer les évaluations des projets de loi relatifs aux services publics : d’une part, il y a matière, et, d’autre part, il y a urgence. Il suffit d’assister aux cérémonies de vœux du Président de la République pour mesurer combien monte la colère des usagers et des élus à cause de la grande casse des services publics sur notre territoire, notamment dans les zones rurales les plus vulnérables, les plus étendues et les moins peuplées.
Je livre à votre réflexion la liste des cartes qui fâchent : carte scolaire, carte judiciaire, carte policière, carte militaire, carte hospitalière, carte bancaire et, pour terminer, carte postale. (Sourires.) J’aimerais d’ailleurs être une petite souris pour suivre les députés UMP dans leurs circonscriptions, entendre ce que leur disent leurs électeurs et, surtout, ce qu’ils leur répondent – et qu’il serait sans doute édifiant de comparer à ce que ces parlementaires défendent ici, dans une chambre d’enregistrement.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Allons donc !
M. Henri Nayrou. Au nom de la RGPP – sigle au poison violent –, cette révision générale des politiques publiques définie par le seul Président de la République et mise en œuvre, à la hache, par le Gouvernement, avec le consentement muet de la majorité UMP, vous êtes en train de casser la dynamique qui tend à revitaliser la ruralité.
Monsieur le président, vous demandez que nous défendions nos amendements avec des éléments nouveaux ? En voici un. En avril 2007, un sondage du CSA indiquait que 7 millions de citadins souhaitaient aller vivre à la campagne. Deux millions et demi avaient déjà fait leur choix pour les cinq ans à venir. Que répondent le Gouvernement et ses dogmes libéraux à cette tendance lourde ? Les services publics coûtent trop cher, parce qu’ils sont gratuits par principe et parce qu’ils ont un impact sur le budget de la nation, ce qui est la moindre des choses en matière de solidarité territoriale. Bref, on supprime les services publics qui perdent de l’argent et on privatise ceux qui en gagnent.
Ces choix de société exigent donc des études d’impact à la mesure des enjeux, tels ceux prévus par notre amendement, réalisées non pas après, mais avant. Ils exigent également une procédure parlementaire adaptée aux dangers que vous faites courir aux grands équilibres territoriaux. Enfin, ils exigent un droit intangible à produire et à défendre des amendements. C’est pour cette raison que nous sommes ici ce samedi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour soutenir l’amendement n° 3547.
Mme Catherine Lemorton. Certes, le débat est long, mais c’est parce qu’il est riche.
M. Guy Lefrand. Ah non !
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il est long parce que vous défendez vingt-deux fois le même amendement !
Mme Catherine Lemorton. Nous sommes obligés de nous battre pour deux. Le droit des parlementaires, c’est le droit des parlementaires de droite et de gauche. Un jour, mes chers collègues de la majorité, vous serez dans l’opposition, mais il ne faudra pas venir pleurer !
M. Guy Lefrand. On assume !
Mme Catherine Lemorton. Vous êtes tellement corsetés et ficelés dans votre obéissance aveugle à l’exécutif…
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Le sectarisme est vraiment une vilaine maladie !
Mme Catherine Lemorton. …que vous ne voyez même pas que vous êtes en train de scier la branche sur laquelle vous êtes assis. Rappelez-vous ce qui, pour vous, s’est transformé en cauchemar, le début de l’examen du texte sur le repos dominical : certains d’entre vous ont exprimé leur désaccord et l’on a vu comment le texte a été reporté sine die.
Vous avez refusé que l’on discute de nos sous-amendements, et nous le regrettons. Mais peut-être commençons-nous à comprendre pourquoi. Notre collègue Aurélie Filippetti a évoqué tout à l’heure les études d’impact sur le monde carcéral et les 115 suicides qui s’y sont produits l’an dernier. Tout près de moi, sur les bancs de l’UMP, j’ai entendu à ce moment-là notre collègue Philippe Cochet lancer : « Et les victimes ? » Est-il normal, parce que l’on est incarcéré, parce que l’on a été délinquant, de mourir par suicide dans nos prisons ? Je réponds non, mes chers collègues ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Un tel sujet mérite donc une étude d’impact sérieuse.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cela mérite surtout du respect, et que l’on n’utilise pas la vie et la mort des gens à des fins polémiques !
Mme Catherine Lemorton. Il faudrait que cela soit inscrit dans la loi. Nous allons réviser l’ordonnance de 1945, nous allons réviser les règles qui régissent le monde carcéral : nous voulions avoir des assurances sur les études d’impact à ce sujet.
Mes chers collègues, je comprends mieux ce qui nous sépare aujourd’hui : nous préférons légiférer avec des motions, fussent-elles de procédure, plutôt qu’avec l’émotion, fil conducteur d’une politique populiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam, pour soutenir l’amendement n° 3549.
Mme Patricia Adam. Ma collègue a raison, la précipitation nuit au travail parlementaire.
M. Guy Lefrand. L’obstruction aussi !
Mme Patricia Adam. Et il est difficile de travailler dans de bonnes conditions, quand on voit la précipitation avec laquelle nous examinons les textes.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est vingt-deux fois le même amendement !
Mme Patricia Adam. Je suis membre de la commission de la défense, qui vient d’examiner fort rapidement le Livre blanc de la défense, texte fondamental qui engage la France pour cinq à dix ans. Nous n’en avons pas mesuré les impacts. Certes, un travail a été réalisé par différents experts, avec quatre parlementaires – deux députés, deux sénateurs…
M. Philippe Vitel. Avant que vous ne démissionniez !
Mme Patricia Adam. En effet, avant que je ne démissionne, monsieur Vitel : et je peux en expliquer les raisons, si vous le souhaitez.
M. le président. Voulez-vous laisser l’oratrice nous exposer ses nouveaux arguments ?
Mme Patricia Adam. Ces nouveaux arguments sont simples : le Livre blanc préconise de jouer sur les dépenses de fonctionnement pour augmenter nos capacités d’investissement et, partant, les moyens accordés aux femmes et aux hommes aujourd’hui engagés dans des opérations à l’extérieur menées dans le cadre de missions confiées par l’ONU.
Aujourd’hui, à l’heure de la RGPP, le Livre blanc prévoit donc de supprimer près de 55 000 emplois dans la défense nationale. Les conséquences de cette mesure sont claires : chacun sait que les militaires, dépourvus de syndicats, ne peuvent pas s’exprimer.
M. Jean Mallot. C’est la Grande Muette !
Mme Patricia Adam. Or, ceux qui se déplacent dans les territoires qui abritent des régiments entendent les militaires s’exprimer : ils ne comprennent pas que l’Assemblée nationale aille aussi loin en matière de diminutions d’effectifs.
M. Jean Mallot. C’est vrai !
Mme Patricia Adam. Et pour cause : ils ne font pas que défendre leur travail et leur mission, mais s’interrogent aussi parce que nous sommes dans l’incapacité – je le dis haut et fort puisque nous aurons bientôt un débat, ici même, sur la nature des OPEX que nous engageons – de remplir les missions qui nous sont confiées par l’ONU, faute de moyens humains.
M. Franck Gilard. Allez demander au Budget !
Mme Patricia Adam. Voilà qui justifie que nous travaillions plus souvent à partir d’évaluations renforcées, et avec les territoires concernés.
Je n’évoque que les OPEX, mais je pourrais aussi bien évoquer les fermetures de bases, qui mettent de nombreux territoires – surtout ceux qui sont déjà affectés – en grande difficulté économique.
M. Franck Gilard. Cela n’a rien à voir !
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements ?
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.
J’en profite pour répondre – tardivement – à la question de M. Brottes, qui semble confondre les études d’impact au niveau européen et au niveau français. En l’espèce, nous débattons d’une loi organique et de la Constitution françaises ; seules les études d’impact effectuées en France sont donc concernées. Certes, l’imbrication des études d’impact européennes avec les études d’impact françaises pose problème –j’aurai d’ailleurs l’occasion de remettre un travail au Gouvernement en la matière –, mais ce n’est pas le sujet qui nous occupe aujourd’hui.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Défavorable.
M. le président. La parole est à M. François Brottes.
M. François Brottes. Je remercie M. le rapporteur pour ses précisions. Je rappelle que, par l’amendement que la majorité s’apprête à refuser, nous demandons que les études d’évaluation préalables à la discussion d’un projet de loi soient renforcées dès lors que celui-ci a trait aux services publics. En effet, nombre de nos services publics sont aujourd’hui encadrés par des directives européennes, qu’il s’agisse de La Poste, de l’énergie ou des transports.
M. le président. Je vous interromps un instant, monsieur Brottes, pour informer l’Assemblée que le groupe SRC m’a saisi d’une demande de scrutin public sur cette série d’amendements.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Au dernier moment pour faire perdre cinq minutes de plus !
M. François Brottes. Je reprends donc mon argumentation, qui a pu, à l’heure où elle était faite, paraître un peu compliquée à certains. Puisque nous avons cinq minutes avant le scrutin, permettez-moi d’illustrer mon propos par l’exemple du prix unique du timbre, qui concerne l’ensemble de nos concitoyens. Quels que soient le quartier, le village ou la ville où ils habitent, tous paient le même prix pour les timbres qu’ils collent sur leurs enveloppes. Lorsque la dernière directive postale a été transposée dans notre droit, alors que M. Jospin était Premier ministre, la France avait veillé à ce que le courrier de moins de vingt grammes demeure sous le monopole de La Poste, afin de permettre une péréquation sur l’ensemble du territoire et de garantir le prix unique du timbre. On nous avait dit, au niveau européen, qu’une étude d’impact devait être faite pour toute ouverture plus large – c’est-à-dire au courrier de moins de vingt grammes – à la concurrence. Je précise, monsieur le rapporteur, que c’est bien dans la loi française – dans notre droit positif – que l’on prend acte de la directive et qu’elle est transposée.
Or, cette étude d’impact n’a pas été effectuée. En l’état, l’ouverture totale des tarifs du courrier à la concurrence est prévue pour 2011 ; il y a donc menace sur le prix unique du timbre ! À la fin du mois de décembre dernier, M. Sarkozy, Président de la République, nous a précisé qu’il faudrait garantir le prix unique du timbre dans la loi française. Il a raison ! Cela étant, je déplore tout d’abord l’absence de volonté – y compris dans le présent texte, monsieur le rapporteur – de nous porter garants d’une étude d’impact renforcée, comme nous le proposons, dès lors que notre réflexion et nos services publics sont entravés et qu’aucune étude d’impact européenne n’a été effectuée. Ensuite, je déplore que la majorité ait refusé les amendements que nous avions défendu à l’époque pour inclure le prix unique du timbre dans la loi. Aujourd’hui, je note que la majorité souhaite revenir en arrière en la matière.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est totalement inexact !
M. François Brottes. C’est sans doute parce qu’elle n’a pas pris garde au fait que l’étude d’impact n’a pas été effectuée, et parce qu’elle n’a pas adopté les amendements que nous avions proposés.
Vous le voyez, monsieur le président : mes arguments sont très constructifs. Nous voulons vous prouver que si nous proposons une étude d’évaluation renforcée pour le prix du timbre ou tout autre texte ayant trait aux services publics, c’est pour nous éviter à tous de faire des bêtises et de porter ensemble préjudice à l’intérêt de nos concitoyens ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur la série d’amendements nos 3531 à 3552. Je demande à chacun d’entre vous de s’asseoir à sa place.
Mme Sandrine Mazetier. Fraude ! Monsieur le président, regardez donc !
M. le président. En effet, je prie chacun d’entre vous de s’asseoir à sa place, et uniquement à sa place.
M. Franck Gilard. Vous prenez-vous pour la Gestapo, madame ? (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe SRC. Fait personnel !
M. Franck Gilard. C’est scandaleux ! (Brouhaha sur les bancs du groupe SRC, dont plusieurs membres se lèvent en brandissant le règlement de l’Assemblée nationale.)
Plusieurs députés du groupe SRC. Rappel au règlement !
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 145
Nombre de suffrages exprimés 144
Majorité absolue 73
Pour l’adoption 63
Contre 81
(Les amendements nos 3531 à 3552 ne sont pas adoptés.)
Mme Sandrine Mazetier. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. Franck Gilard. Scandaleux !
M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour un rappel au règlement.
Mme Sandrine Mazetier. Le fait que je m’associe à vos efforts, monsieur le président, pour que les conditions du déroulement normal des scrutins soient respectées, ne devrait pas autoriser l’un de mes collègues à m’insulter en m’assimilant à la Gestapo ! Je demande à ce collègue dont j’ignore le nom, qui s’est tu depuis le début de l’examen de la loi organique et dont je ne me souviens pas l’avoir entendu s’exprimer sur quelque texte que ce soit, de m’adresser des excuses immédiates ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Protestations sur quelques bancs du groupe UMP.)
M. Franck Gilard. C’est indécent !
M. le président. Nous en venons à la série d’amendements identiques nos 3597 à 3618. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Mme Sandrine Mazetier. On m’a insultée car je signalais une tentative de fraude : qu’est-ce que cela veut dire ?
M. François Brottes. C’est une honte !
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour défendre l’amendement n° 3597. (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.) Chers collègues, quoi qu’il arrive, je ne lèverai pas la séance tant que le débat n’aura pas avancé de manière significative.
Monsieur Urvoas, vous avez la parole.
M. Jean-Jacques Urvoas. Permettez-moi d’éclairer la présidence en rappelant un fait qui s’est produit hier matin, lorsque M. Le Fur, qui présidait la séance, a considéré, à ma demande, qu’une interjection prononcée sur l’un des côtés de l’hémicycle n’avait pas été entendue par la présidence, de sorte qu’elle ne figure pas au procès-verbal.
M. le président. Veuillez défendre votre amendement, monsieur Urvoas. Je vous rappelle que nous sommes dans un débat parlementaire : apportez-y des éléments nouveaux, je vous prie.
M. Jean-Jacques Urvoas. C’est ce que je fais, en défendant cet amendement relatif aux questions de sécurité. Nous estimons que les projets de loi qui y ont trait doivent faire l’objet d’une évaluation préalable – ce que nous avons appelé une concertation. Chacun sait en effet que les questions de sécurité concernent l’ensemble de nos concitoyens.
L’Assemblée nationale ne déroge pas à la règle : la sécurité des parlementaires doit elle aussi être assurée. À ce titre, les insultes que nous avons entendues de la part de l’un de nos collègues sont inqualifiables.
La sécurité des Français passe avant tout par l’ordre public – et donc notre capacité à mailler le territoire de commissariats de police ou de gendarmerie. L’Assemblée nationale sera bientôt saisie – sans doute au mois de février – d’un projet de loi de la ministre de l’intérieur visant à placer la gendarmerie sous la responsabilité de son ministère, dans la droite ligne de la politique inaugurée en 2002, lorsqu’elle fut placée pour emploi sous l’autorité de ce même ministère.
Le sujet est essentiel. La traduction concrète d’une telle décision – que les sénateurs ont déjà largement amendée – peut provoquer d’importantes conséquences dans nos territoires, dans nos communes et dans nos villes pour ce qui concerne l’implantation des brigades territoriales de gendarmerie, des communautés de brigades de gendarmerie ou des commissariats de police.
Voilà de quoi nourrir la réflexion des parlementaires. Ainsi, nous n’avons obtenu aucune information – à ma connaissance – lorsque les cartes de la gendarmerie et de la police ont été élaborées. Dans ma circonscription – dont, à l’époque, je n’étais pas encore l’élu, mais où je suivais déjà l’action publique –, on a constaté, à l’occasion de la fermeture de certaines brigades territoriales de gendarmerie qui n’étaient pas remplacées par des commissariats de police, des problèmes d’ordre immobilier qui ont affecté les fonds publics des collectivités locales, puisque les bâtiments étaient en location.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur.
M. Jean-Luc Warsmann. rapporteur. Avis défavorable. Chacun a bien compris que ces amendements ne sont qu’une petite fraction d’un autre amendement dont nous avons déjà débattu. Je lance un nouvel appel solennel à l’opposition : voulez-vous enfin retrouver le chemin d’un débat normal sans nous imposer vingt-deux fois le même amendement ? M. Urvoas s’étant exprimé, peut-on avancer normalement ? Je donne l’avis de la commission, et le Gouvernement le sien ; pourra-t-on ensuite voter, au lieu d’écouter une même litanie répétant vingt-deux fois la même argumentation ? Si vous ne souhaitez pas faire d’obstruction, saisissez là l’occasion de nous le montrer !
M. Franck Gilard. C’est de la violence législative !
M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour défendre l’amendement n°3599.
M. Bruno Le Roux. Permettez-moi, monsieur le président, de faire remarquer à M. Warsmann que son intervention touche à la nature même de notre débat. Pour la majorité, avancer, c’est s’assurer que l’opposition se taise.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Pas du tout !
M. Franck Gilard. Très bonne idée !
M. Bruno Le Roux. Hélas, nous avons décidé de ne pas nous taire, et d’utiliser tous les moyens que nous offre le règlement de l’Assemblée pour débattre sur le fond de ce dont nous ne pourrons plus débattre demain, si ce texte funeste était adopté.
M. Franck Gilard. Obstruction !
M. Bruno Le Roux. En matière de sécurité, nos concitoyens sont en droit d’attendre un débat ; ils l’ont – au point qu’il est parfois même traité sous le coup de l’émotion. Quoi qu’il en soit, le débat existe. En revanche, nous ne possédons pas la culture de l’évaluation préalable, ni de l’évaluation a posteriori. La France dispose pourtant d’outils à cet effet : je pense à l’institut des hautes études pour la sécurité intérieure, ou IHESI, renommé institut national des études de sécurité, ou INES, qui produit des documents remarquables, où l’on constate notamment l’écart entre nos pratiques et celles d’autres pays comme le Canada – très en avance sur nous en matière de sécurité.
Mme Delphine Batho. C’est vrai !
M. Bruno Le Roux. Il est parfois des propositions dont on ne retrouve jamais trace dans la politique mise en place par la suite. La commission nationale de déontologie de la sécurité peut amener, sur le fond, à faire des recommandations.
Il est bon nombre de sujets sur lesquels l’évaluation renforcée au préalable améliorerait la qualité de nos débats dans l’hémicycle. Pour ce qui est de la sécurité, par exemple, sujet fondamental pour nos concitoyens, est-ce au détour de vœux de fin d’année que nous devons apprendre l’existence d’un large processus de réorganisation entre la gendarmerie et la police, sans pour autant que les élus de terrain y aient été associés ? Si encore il s’agissait de réaliser des économies d’échelles qui permettraient, par exemple, d’allouer des effectifs supplémentaires en Seine-Saint-Denis – je sais que notre collègue Raoult y serait très attentif –, ou d’éviter que les mutations ne viennent déséquilibrer deux fois par an la stratégie mise en place par les forces de police dans ce département, nous pourrions y être favorables ; mais pour l’instant, aucune étude ne permet de s’en assurer.
Vous l’avez compris, monsieur le président : nous entendons défendre ces amendements au fond, par crainte de ne plus pouvoir le faire demain dans cette assemblée.
M. le président. Sur l’amendement n° 3599, je suis saisi d’une série de sous-amendements.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Serge Blisko. Même tarif, même peine…
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. À peine ai-je eu le temps de me lever que j’entends un parlementaire socialiste s’exclamer : « Même tarif, même peine ! » Dans ces conditions, je vous le dis tranquillement : autant vous déposerez d’amendements non examinés par la commission, autant de fois le Gouvernement demandera l’application de l’article 44, alinéa 2, de la Constitution.
M. le président. Le Gouvernement demande l’application de l’article 44, alinéa 2, de la Constitution.
Monsieur le rapporteur, confirmez-vous que ces sous-amendements n’ont pas été examinés par la commission ?
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Absolument !
M. le président. Dans ces conditions, les sous-amendements n’ont pas lieu d’être débattus. Conformément l’article 100, alinéa 3, du règlement, nous pouvons poursuivre l’examen des amendements.
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l’amendement n° 3600.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le président, n’y voyez qu’une boutade pour détendre l’atmosphère, mais j’observe que la promptitude dont vous faites preuve fait que M. le secrétaire d’État n’a même pas à vous demander d’exercer son droit…
M. le président. Développez vos arguments sur l’amendement n° 3600 !
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est toujours le même, à la virgule près, décliné vingt-deux fois !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Au-delà de la nécessité de détendre l’atmosphère, nous avons vocation à nous retrouver encore tous ensemble mardi dans cet hémicycle. Nous avons donc intérêt à savoir que nous devrons continuer vivre ensemble, et notamment vous, monsieur le président, avec votre opposition – ce dont vous ne pourrez qu’être fier, car un président d’assemblée sans opposition, c’est comme dans un conseil municipal… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Merci, monsieur Le Bouillonnec !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je n’ai pas terminé, monsieur le président.
S’il est un aspect sur lequel la loi ne peut pas intervenir sans que l’on connaisse ses effets réels sur les territoires, c’est bien en matière de sécurité. En tant qu’élu de banlieue, je ne prétends pas que mon territoire soit exemplaire par rapport à ceux de province, aux grandes métropoles ou à Paris intra muros. Ce que je soutiens en revanche, c’est que la loi dans ce domaine est construite à partir d’analyses pratiquement inexistantes, y compris au stade de la préfiguration. En fait, la plupart des textes sur la sécurité émanent de déclarations, de pétitions du Gouvernement – la plupart du temps, d’ailleurs, du seul chef de l’État – en réaction à un processus émotionnel, lui-même consécutif à certains événements.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. En attendant, la délinquance a quand même baissé !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cette capacité à construire la loi et à revisiter la précédente sur le seul fondement de la survenance de risques graves, aux conséquences incontestables, mais qui ne sauraient servir à édifier l’Assemblée, le législateur ou le Gouvernement dans son pouvoir réglementaire, sur les solutions appropriées, est à mes yeux une catastrophe.
M. le président. Merci, monsieur Le Bouillonnec !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. J’estime que la question de la sécurité a été trop visitée ces dernières années, sans que le Gouvernement sache exactement ce qui se passait sur le terrain. Si les bonnes questions avaient été posées, notamment aux maires, lorsqu’on a voulu réformer, pour la énième fois, les conseils en place de sécurité et de prévention, on aurait appris que les maires, par exemple, étaient comptables de la prévention depuis des décennies. Cela me permet de rendre hommage à notre collègue Bonnemaison qui, avant tout le monde, dès 1982, parlait de la prévention. Et s’il en parlait, c’est qu’il était attaché à la sécurité de ses concitoyens. C’est pour cette raison que parler de la sécurité sans compréhension de la réalité de l’impact, c’est une faute législative ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l’amendement n° 3601.
Toutefois, je vous rappelle que tous ces amendements sont identiques et que nous allons bientôt pouvoir considérer qu’ils ont été suffisamment défendus. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Mme Delphine Batho. Je reprends votre réponse sur l’amendement précédent, monsieur le rapporteur.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il s’agit du même amendement, déjà présenté !
Mme Delphine Batho. À vous entendre, nous proposerions, d’un côté, des études d’impact légères et, de l’autre, des études d’impact normales. Ce n’est pas le cas : nous demandons des études d’impact normales, d’une part, et des études d’impact renforcées pour d’autres sujets.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Nous vous avons répondu ! Un de vos collègues a déjà dit cela !
Mme Delphine Batho. Non, monsieur le rapporteur, cela n’a pas été déjà dit ! Et je vous remercie de ne pas m’interrompre !
L’amendement n° 3601 touche aux questions de sécurité, domaine régalien par excellence. La sécurité est le premier des droits de l’homme. Je voudrais apporter dans notre discussion un certain nombre d’arguments nouveaux.
Chacun se souvient des engagements pris devant le peuple français en 2002. Or aujourd’hui, quelle est la situation ? Lundi prochain, la ministre de l’intérieur va publier les chiffres de la délinquance pour l’année 2008. Les violences contre les personnes ont augmenté de 5 %. La semaine dernière, la gare Saint-Lazare a été fermée en raison de l’agression d’un conducteur. Les agents ont exercé leur droit de retrait. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est un débat de politique générale, pas une défense d’amendement !
M. le président. Merci, madame Batho ! C’est terminé.
Mme Delphine Batho. Je n’ai pas terminé !
M. le président. Madame Batho, l’Assemblée est suffisamment informée sur cet amendement et c’est la prérogative du président de séance que de l’apprécier !
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour soutenir l’amendement n° 3602.
Mme Delphine Batho. Je demande la parole pour un rappel au règlement !
M. le président. Votre amendement est-il défendu, madame Pau-Langevin ?
Mme George Pau-Langevin. Je vais le défendre, monsieur le président, mais convenez que la manière dont se déroule ce débat n’est pas satisfaisante. (« En effet ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Nous ne pouvons pas nous exprimer, ma collègue Lemorton a été insultée : cette situation est insupportable !
Vous voulez nous faire débattre dans la précipitation. C’est oublier le précepte de Walter Lippmann : « Quand tout le monde est du même avis, c’est que personne ne réfléchit beaucoup ! » J’ai parfois l’impression que vous voudriez nous voir voter sans réfléchir !
M. Jean Mallot. Et il n’en est pas question !
Mme George Pau-Langevin. Ainsi, on nous a fait voter une loi sur la délinquance des mineurs, sur la rétention de sûreté, et tous les arguments que nous avons invoqués ont été éliminés au motif qu’ils étaient avancés par l’opposition. Or on se rend compte que les mêmes arguments ont été repris dans des rapports extrêmement importants de la CNIL, de la HALDE, de la défenseure des enfants.
Nous affirmons qu’avant de faire une loi, il est nécessaire de procéder à une évaluation approfondie, en auditionnant ce type d’institution ou d’autorité administrative indépendante. Si nous l’avions fait précédemment, nous aurions fait de meilleures lois et nous n’aurions pas été obligés, compte tenu de ce que disait Delphine Batho sur les chiffres détestables de la délinquance, de revenir pour travailler à nouveau sur la condition pénitentiaire et sur la délinquance des mineurs.
Notre amendement n° 3602 est justifié et je vous demande de le voter.
Mme Delphine Batho. Monsieur le président, j’ai demandé la parole pour un rappel au règlement !
M. le président. Non, madame Batho, vous n’aurez pas la parole. Car j’ai appliqué strictement le règlement, et vous n’allez pas en faire procès à la présidence…
M. Jérôme Lambert. La parole est de droit !
M. le président. Non, elle n’est pas de droit !
M. Jean Gaubert. Si !
M. le président. J’ai appliqué strictement l’article 54 de notre règlement. À l’évidence, vous ne le connaissez pas : « Quand le président juge l’Assemblée suffisamment informée, il peut inviter l’orateur à conclure. »
Mme Delphine Batho. Rappel au règlement !
Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Obstruction !
M. Philippe Vitel. C’est bien la digne héritière de Ségolène !
Mme Delphine Batho. Absolument !
M. le président. Madame Batho, asseyez-vous !
M. Dino Cinieri. Où est Ayrault, pour tenir ses troupes ?
M. le président. La parole est à M. Jacques Valax, pour soutenir l’amendement n° 3604.
M. Jacques Valax. Une observation d’ordre juridique. Que demandons-nous ? Un délai de réflexion avant qu’un texte de loi ne soit élaboré. Deux mois de réflexion, de concertation et de discussion. Est-il raisonnable, sensé, voire objectif que de s’opposer à cela ?
Nos concitoyens nous le disent dans nos circonscriptions, ils veulent moins de lois. Ils veulent une loi plus pratique, plus pragmatique, qui réponde davantage à leurs préoccupations, une loi qui, pour eux, n’a d’intérêt que dans la mesure où elle constitue un « plus », où elle les rassure et où elle leur apporte dans leur vie quotidienne quelque chose qu’ils n’avaient pas jusqu’à ce jour. Ils en ont assez de la multiplication des textes de loi qui ne se traduisent par rien de concret pour eux. Je le répète sous une autre forme : ils veulent une loi qui les aide à mieux exercer leur métier, à mieux vivre dans leur quartier, à avoir des relations plus faciles en famille et différentes avec le milieu qui les entoure.
Aujourd’hui, nous sommes dans l’opacité la plus complète. Et puisque nous parlons de sécurité, monsieur le président, nous ne savons rien de ces cartes de répartition géographique des gendarmeries et commissariats. Moi-même, élu du département du Tarn, je suis incapable de répondre aux questions que me posent sans cesse les gens : je ne sais pas si le commissariat sera supprimé ou maintenu, si la zone d’influence dépendra de la gendarmerie ou d’un autre commissariat.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cela n’a rien à voir !
Pis encore : je viens de parler des citoyennes et des citoyens. Mais je veux aussi m’adresser aux professionnels qui vivent dans l’angoisse : tel gendarme affecté à telle gendarmerie ne sait pas si celle-ci sera maintenue ; tel fonctionnaire de police ne sait pas s’il sera affecté à un commissariat ou à un autre. Personne ne sait rien !
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Revenez à votre amendement !
M. Jacques Valax. Nous sommes véritablement très inquiets. Les professionnels sont déstabilisés. Il faut tout reprendre à la base, c’est-à-dire revenir à la concertation, à la discussion, en amont, à l’appréhension des véritables problèmes qui préoccupent nos concitoyens.
M. Jean-Marc Ayrault. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.
M. Jean-Marc Ayrault. Je comprends la réaction particulièrement vive de notre collègue Delphine Batho. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je le dis aux députés du groupe UMP : je ne suis pas là pour jeter de l’huile sur le feu, mais, au nom des membres du groupe socialiste, il y a des choses que je ne peux pas accepter.
M. Jean-Pierre Soisson. Pas vous !
M. Jean-Marc Ayrault. Delphine Batho fait partie des députés qui n’ont manqué quasiment aucune séance. Elle a travaillé sur le fond du dossier, remplissant son rôle de parlementaire. Aussi, je souhaite qu’elle soit mieux respectée. Oui, c’est une question de respect des députés !
Mme Delphine Batho. Il y a deux poids, deux mesures !
M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, j’aimerais que des décisions soient prises avant de continuer nos travaux. Quand ma collègue Sandrine Mazetier se fait traiter de représentante de la Gestapo par un député de l’UMP, j’estime que cela mérite des excuses ! C’est la moindre des choses ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Franck Gilard. Que Valls commence par s’excuser pour hier soir !
M. Jean-Marc Ayrault. Vous êtes un récidiviste ! Est-ce tolérable ? À l’Assemblée nationale, on peut se dire bien des choses, ou être en désaccord, et c’est normal, mais on n’a pas le droit d’insulter un de ses membres et, qui plus est, en employant de tels mots !
Je vous demande, monsieur le député, de retirer ce que vous avez dit, et non de faire comme si personne n’avait rien entendu, ce qui fait que cela ne figurerait pas dans le procès-verbal. Je vous demande de présenter des excuses à Mme Mazetier. Nous ne laisserons pas passer ce genre de comportement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Franck Gilard. Que Valls s’excuse pour hier soir !
M. Jean-Marc Ayrault. Afin que vous puissiez vous ressaisir, je demande une suspension de séance.
Suspension et reprise de la séance
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.)
M. le président. La séance est reprise.
M. le président. Madame Batho, je vous donne la parole pour apaiser vos tensions. Mais ce n’est pas un rappel au règlement parce que le règlement a été appliqué. Si vous voulez vous exprimer, faites-le.
Mme Delphine Batho. Monsieur le président, je ne sais pas comment je dois prendre ce que vous venez de dire… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Dino Cinieri. Comme une faveur ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues ! Je sens de la fatigue et de l’énervement !
Mme Delphine Batho. Je me demande si l’on évoquerait les tensions d’un collègue masculin dans cet hémicycle. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je ne le crois pas !
Reste que je voulais faire un rappel au règlement sur le fondement de l’article 58, alinéa 1, relatif au déroulement de nos travaux. Vous avez évoqué l’article 54, alinéa 5 lequel précise en effet : « Quand le président juge l’Assemblée suffisamment informée, il peut inviter l’orateur à conclure. » Or, monsieur le président, vous ne m’avez pas invitée à conclure, vous m’avez interrompue dans la démonstration que j’étais en train de faire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jérôme Lambert. C’était pareil pour moi !
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La démonstration que vous étiez en train de faire !
Mme Delphine Batho. Nous avons bien compris – c’est en tout cas notre interprétation – que cette démonstration était bien dérangeante pour l’actuelle majorité parlementaire qui n’ose regarder en face son bilan en matière de sécurité !
M. le président. Je vous remercie, madame Batho. Je tenais juste à vous préciser que cette disposition a constamment été appliquée de cette façon…
Mme Delphine Batho. Je n’ai pas terminé mon rappel au règlement, monsieur le président !
M. le président. Et j’insiste sur ce point : il est hors de question pour moi de distinguer les députés,…
Mme Delphine Batho. C’est ce que vous avez fait !
M. le président. …plus ou moins fatigués, en fonction de leur position, de leurs opinions, de la place qu’ils occupent dans cet hémicycle…
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je ne répéterai pas les insultes qu’a proférées Mme Batho à l’encontre des députés UMP tout à l’heure !
M. le président. …et encore moins de leur état-civil ! Je vous remercie, madame Batho ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mme Delphine Batho. C’est un grave dérapage, monsieur le président !
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Et vous, vous n’avez pas gravement dérapé en insultant les députés UMP ?
M. le président. La parole est à M. Bernard Lesterlin, pour soutenir l’amendement n° 3610.
M. Jean Gaubert. Et moi ?
M. Bernard Lesterlin. Nous avons, Jean Mallot et moi déposé cet amendement, non parce que nous avons passé l’un et l’autre une partie de notre carrière au ministère de l’intérieur, mais parce que nous connaissons quelque peu ce sujet sérieux que je voudrais aborder avec gravité.
La mise en place des communautés de brigades en 2002 n’a pas été précédée d’une évaluation suffisante. Nous allons prochainement examiner le texte relatif à la réforme du statut de la gendarmerie. Les fermetures de brigades envisagées – conséquences de la révision générale des politiques publiques ou de la réorganisation opérationnelle – nous inquiètent sur tous les bancs. Cela montre à quel point il est nécessaire que des évaluations ex ante puissent être menées.
Dans ma circonscription de Montluçon, dans l’Allier, se trouve la plus importante école de gendarmerie où, chaque année, se tiennent les rencontres de la gendarmerie.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Montluçon est une belle ville, mais ce n’est pas le sujet de l’amendement !
M. Bernard Lesterlin. À titre professionnel – et je suis le seul dans cet hémicycle – j’ai eu le privilège d’assister à ces rencontres.
M. le président. Je vous remercie, mon cher collègue.
M. Bernard Lesterlin. Je peux vous dire que l’inquiétude de nos amis gendarmes est grande.
M. le président. Je vous remercie de conclure, monsieur Lesterlin.
M. Bernard Lesterlin. Pour traiter de tels sujets, nous devons disposer d’évaluations préalables qui ne doivent pas exclusivement émaner des gendarmes ou des policiers.
M. le président. Je vous remercie.
Pardonnez-moi, monsieur Gaubert, je n’avais pas remarqué, en reprenant la séance, que vous vous trouviez quasiment à votre place. Je vais donc vous donner exceptionnellement la parole pour soutenir votre amendement n° 3609.
M. Jean Gaubert. Je peux comprendre votre désir d’aller vite, monsieur le président, mais je suis resté à ma place : je savais que j’interviendrais après la suspension de séance et je craignais précisément que vous ne voyiez pas !
M. le président. Venons-en à la défense de l’amendement.
M. Jean Gaubert. Je poursuis les propos de M. Bernard Lesterlin.
La réorganisation de la gendarmerie est une question grave pour nos concitoyens. Comme l’a souligné Bernard Lesterlin, elle interpelle à juste titre les gendarmes qui ont conscience que les moyens qui leur sont donnés ne leur permettent pas d’assumer leurs responsabilités. Elle se pose aussi à nos concitoyens, en territoire rural, qui, du fait de cette réorganisation – que certains appelleront plutôt une désorganisation – ne savent plus comment on « pratique » la gendarmerie. Lorsqu’une une seule brigade sur trois ou quatre assure le service de nuit, il est clair que, quand il se produit un incident quelque part, l’intervention de la gendarmerie est beaucoup trop tardive pour garantir un bon recueil des éléments nécessaires. Qui plus est, quand un de nos concitoyens victime d’une voie de fait, d’un cambriolage ou autre, veut porter plainte, il ne sait même plus à quelle gendarmerie s’adresser parce que les permanences changent semaine après semaine.
M. le président. Je vous remercie, mon cher collègue !
M. Jean Gaubert. Il est, en conséquence, possible d’afficher des taux de délinquance en baisse dans la mesure où les gens ne déposent plus plainte, faute de savoir où s’adresser.
M. le président. Je vous remercie.
L’amendement n° 3613 de Mme Lemorton est défendu. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Christian Paul. C’est moi qui le défends !
M. le président. Il est inutile de hurler, mes chers collègues !
La parole est à M. Christian Paul, pour soutenir l’amendement n° 3613.
M. Christian Paul. Je n’ai entendu personne hurler, monsieur le président, et je ne croyais pas avoir accédé à la transparence !
Je tenais, sur ces questions de sécurité, à prolonger les propos très précis et très graves de Delphine Batho, qui a d’ailleurs été, je vous renvoie le compliment, interrompue d’une façon très brutale, ce que je regrette. Elle voulait parler, comme nous, de la nécessité d’évaluer en matière de sécurité les propositions législatives. Je reprends donc le flambeau.
À la veille d’une loi de programmation qui prévoira la suppression de 8 000 postes de policiers, si vous pensez, vous, députés des villes, qu’une étude d’impact, une évaluation, est totalement inutile, vous prenez un risque très grave.
Mme Delphine Batho. Absolument !
M. Christian Paul. Quant à vous, députés des campagnes, des centaines de gendarmeries vont être supprimées dans les prochains mois au titre de la RGPP. Certains députés de l’UMP parlent de démagogie. Mais il y a une certaine démagogie à rouler des mécaniques dans l’hémicycle pour tenir ensuite sur le terrain des discours lénifiants sur la protection des services publics !
M. le président. Je vous remercie !
M. Christian Paul. Ayez le courage de vos positions…
M. le président. Je vous remercie !
M. Christian Paul.… et adoptez ce principe d’évaluation des choix. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous auriez été bien inspirés de le faire avant d’envisager la réforme des lycées. Cela aurait peut-être évité un désaveu à M. Darcos et une manifestation cet après-midi dans les rues de Paris !
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 3618.
La parole est à M. Serge Blisko.
M. Serge Blisko. Sans vouloir évidemment allonger le débat, je tenais simplement à appeler votre attention, mes chers collègues, sur la nécessité d’une étude d’impact avant de rédiger les futurs projets de loi qui concerneront en particulier les criminels dangereux et les personnes souffrant d’affections psychiatriques, dont le Président de la République s’est en quelque sorte fait le spécialiste.
M. le président. Je vous interromps quelques secondes, monsieur Blisko, pour annoncer que, sur le vote des amendements identiques, n° 3597 à 3618, je suis, en effet, saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Encore une demande de scrutin public au dernier moment ! C’est toujours de l’obstruction ! Il n’y a aucun respect pour l’Assemblée !
M. le président. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Poursuivez, monsieur Blisko.
M. Serge Blisko. Une étude d’impact préalable est indispensable dans le cas de ces lois. Faute de quoi, les effets d’annonce, qui ne sont pas compris, choquent et désespèrent des dizaines de milliers de malades et leurs familles. L’hospitalisation psychiatrique, en particulier des auteurs d’actes délictuels ou criminels, mais qui n’en sont évidemment pas totalement responsables, nécessite autre chose que des effets d’annonce.
J’insiste donc encore une fois pour que, dans ce domaine très particulier, l’étude d’impact concernant la sécurité de tous et des malades soit menée jusqu’au bout.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements ?
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Défavorable.
M. le président. La parole est à M. François Brottes.
M. François Brottes. Je remercie le rapporteur et le ministre de leurs réponses très explicites.
M. Jean Mallot. Et argumentées !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Laconiques !
M. François Brottes. Nous prenons acte que votre encouragement à voter contre ces amendements est un renoncement aux questions de sécurité.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Nous n’avons pas encore adopté quatre amendements différents depuis ce matin, c’est historique ! Alors ne nous donnez pas de leçons !
M. François Brottes. C’est une question centrale et majeure pour la vie de nos concitoyens. Alors que vous êtes en train de déshabiller la France de ses gendarmeries et de ses commissariats de police, refuser des études d’impact à la veille d’un grand débat sur la police et la gendarmerie, c’est un aveu. Je voulais simplement que notre assemblée prenne bien acte que ce refus actait un renoncement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.
M. Jean-Marc Ayrault. Avec l’exemple de la sécurité, nous sommes au cœur du débat sur cette question des études d’impact.
Le Président de la République, qui a multiplié les effets d’annonce à l’occasion de ses vœux, a choisi il y a quelques jours le thème de la sécurité. Il a annoncé qu’il allait donner des moyens à la police et à la gendarmerie. Mais si nous sommes des députés de la nation, nous connaissons aussi très bien la réalité dans nos circonscriptions : or nous savons, comme vous, que des milliers de postes de policiers vont être supprimés.
Comment le Président de la République peut-il affirmer que la sécurité est sa priorité et qu’il va mettre davantage de moyens alors que l’on réduit tous les moyens humains ? On sait très bien que la sécurité, c’est aussi de la présence humaine sur le territoire, rural comme urbain, une présence partout dans les quartiers, ce que l’on appelle la police de contact, de proximité. Or on annonce 4 000 à 5 000 postes en moins : c’est la RGPP.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cela n’a rien à voir avec le débat d’aujourd’hui !
M. Jean-Marc Ayrault. Si vous voulez être sincère en proposant ce nouveau cadre législatif pour permettre aux députés de faire un travail de qualité, vous devez adopter ces amendements qui concernent les Françaises et les Français dans leur vie quotidienne. Pourquoi refusez-vous toujours tout ?
M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen.
M. Claude Goasguen. Je voudrais que soit noté au Journal officiel que, depuis ce matin, nous avons examiné exactement quatre amendements différents…
M. Jean Mallot. Évidemment, vous n’arrêtez pas de faire de l’obstruction !
M. Claude Goasguen. …à cause de l’obstruction de l’opposition. Ce sera une journée historique : nous ne sommes plus dans l’obstruction, nous sommes dans la grandiose obstruction !
M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur les amendements n°s 3597 à 3618.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 118
Nombre de suffrages exprimés 118
Majorité absolue 60
Pour l’adoption 39
Contre 79
(Les amendements n°s 3597 à 3618 ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de vingt-deux amendements identiques, nos 3377 à 3398.
La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour défendre l’amendement n° 3379.
Mme Aurélie Filippetti. Après les services publics, un autre sujet majeur mérite des études d’impact approfondies : l’éducation nationale, qui devrait être la pierre angulaire de toute politique soucieuse de préparer l’avenir, celui de nos enfants et des générations futures, bien sûr, mais aussi l’avenir économique de notre pays.
De nombreuses questions se posent aujourd’hui. Ainsi la suppression, avec la désorganisation que cela suppose, de 3 000 postes de RASED, ramenés à 1 500, ces enseignants spécialisés dans le soutien aux élèves les plus en difficulté, qui ont du mal à s’insérer dans les parcours pédagogiques classiques, a suscité des inquiétudes et aurait mérité une concertation beaucoup plus large. C’est pourquoi nous demandons des études d’impact approfondies pour allonger et renforcer la phase de concertation.
De même, la réforme des programmes de lycée et de la classe de seconde a connu au mois de décembre une conclusion aberrante : un ministre ayant annoncé ex abrupto une réforme du lycée obligé de faire marche arrière face au mécontentement et aux inquiétudes très légitimes des élèves, des lycéens et des enseignants… De telles situations pourraient être évitées avec des études d’impact ex ante qui permettraient de réfléchir davantage et de ne pas se lancer dans des réformes engageant l’avenir sur plusieurs années de manière précipitée.
On pourrait parler aussi de la loi sur le service d’accueil dans les écoles, dont nous avions dénoncé ici le caractère inapplicable. Il a fallu que l’association des maires et tous les élus locaux, quel que soit leur bord d’ailleurs, s’insurgent en expliquant que la loi était inapplicable, en particulier dans les plus petites de nos communes, pour que le ministre reconnaisse, penaud, qu’il fallait en revoir les modalités d’application. Tout cela devrait être évité grâce à des études d’impact approfondies.
Enfin, les études d’impact doivent s’appuyer sur des évaluation par des organismes indépendants, des organismes de recherche dont la qualité, la spécialisation et l’objectivité sont absolument incontestables.
Je regrette pour ma part la disparition de la direction des études de l’Assemblée nationale. Nous aurions besoin d’avoir au sein de notre assemblée des experts capables de nous dresser un état du droit existant et de faire une évaluation précise de l’impact des lois, comme cela se fait par exemple aux États-Unis avec le congressional budget office, qui donne beaucoup de moyens d’évaluation a priori aux membres du Congrès. En attendant, nous devons encourager les organismes et les laboratoires de recherche qui travaillent sur ces sujets.
M. le président. Je vous précise, madame Filippetti, que les fonctionnaires chargés précisément des études sont désormais intégrés dans les commissions, ce qui permet un travail d’autant plus pertinent.
M. François Loncle. Ce n’est pas tout à fait la même chose !
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour défendre l’amendement n° 3380.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous continuons d’essayer de convaincre la majorité de la pertinence, pour certains dispositifs législatifs, d’une évaluation renforcée, grâce au concours d’experts, d’institutions, des associations, des corps établis et constitués, qui ont pour vocation de concourir à la vie de la République. L’évaluation devrait être au cœur des débats législatifs.
L’un de mes collègues a dit tout à l’heure que ce que nous proposions était toujours au cœur du débat – un peu au ventricule gauche tout de même… Nous suivons effectivement nos convictions et on ne peut nous reprocher de les avoir. Quand nous parlons de la justice, de la sécurité ou de l’éducation nationale, nous sommes évidemment au cœur de nos convictions.
L’un de mes administrés, par ailleurs enseignant, m’a demandé, en ma qualité de maire, quel était l’impact, de la progression démographique dont j’avais pris connaissance à compter du 1er janvier, sur les effectifs dans les écoles, pour l’organisation de la carte scolaire en particulier, et sur les fermetures et les ouvertures de classe pour l’année prochaine. L’État doit supprimer des postes d’enseignant alors que, dans le même temps, ce dont chacun d’entre nous se satisfait, me semble-t-il, la population augmente.
Réforme ou loi de finances, on ne peut aborder un dispositif législatif en ce domaine sans savoir comment la population augmente dans chacune de nos collectivités, qu’elle soit régionale, départementale ou locale…
M. le président. Merci !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le président, on nous a appris, lorsque nous faisions nos humanités, à finir les phrases. Je conclus donc : Nous avons des éléments budgétaires et financiers mais, si nous pouvions disposer d’instruments sur l’impact de la croissance de la population, nos délibérations seraient plus pertinentes.
M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho, pour défendre l’amendement n° 3381.
Mme Delphine Batho. On a déjà donné l’exemple de la loi sur le service d’accueil, inapplicable dans les communes rurales. S’il y avait eu une étude d’impact renforcée, cela aurait évité à M. Darcos ce camouflet du Président de la République lors du congrès des maires.
Il y a aussi dans cette loi un article 2, qui évite à l’éducation nationale de remplacer les enseignants absents et qui n’a donné lieu à aucune évaluation. Ainsi, dans ma circonscription, le nombre de fois où les enseignants ne sont pas remplacés se multiplie, ce qui pose un énorme problème aux parents d’élèves et aux maires des communes.
Hier, lorsque M. Laffineur présidait les débats, nous avons évoqué la question de l’impartialité des études d’impact et la nécessité pour l’Assemblée nationale d’avoir ses propres services, ses propres outils, lui permettant de juger les arguments avancés par le gouvernement dans ses études d’impact.
Ma collègue Aurélie Filippetti évoquait la disparition du service des études. Bien souvent, vous le savez, les commissions sont surchargées et ne sont pas forcément disponibles pour aider un parlementaire à évaluer tel amendement qu’il voudrait déposer ou contre-évaluer tel élément d’un rapport.
Cette question de l’impartialité, de l’indépendance et de la capacité de l’Assemblée nationale à se doter de moyens supplémentaires en matière d’évaluation est très importante. Elle mériterait que vous alliez au-delà de la réponse que vous avez faite à Aurélie Filippetti et que nous en discutions peut-être avec les questeurs.
M. le président. La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour défendre l’amendement n° 3382.
Mme George Pau-Langevin. Nous proposons que les projets relatifs à l’éducation nationale fassent l’objet d’une évaluation renforcée.
Je n’aurai pas la cruauté de rappeler l’émotion que suscitent dans le pays les divers projets de l’actuel ministre de l’éducation nationale. Si l’on avait pris la peine de mieux les préparer en amont, de mieux consulter les personnes concernées, cela nous aurait évité d’avoir dans la rue de nombreux gamins inquiets pour leur avenir, de nombreux enseignants qui, faute d’avoir été entendus avant, sont obligés de se faire entendre dans la rue. Je regrette d’ailleurs particulièrement de n’avoir pas pu participer à cette manifestation…
M. Roland Muzeau. Moi aussi !
Mme George Pau-Langevin. …pour leur faire part de notre solidarité.
C’est une démarche un peu différente pour faire la loi que nous vous suggérons. Au lieu de penser que la majorité sait tout sur tout et de prendre toutes vos décisions sans écouter l’opposition, écoutez les personnes concernées, les syndicats et tous ceux qui ont quelque chose à dire sur le sujet, puis débattez et décidez. Ce serait une bonne manière de faire la loi et cela éviterait sans doute bien des déconvenues, notamment au Gouvernement.
Je suggère donc, encore une fois, à la majorité d’entendre cette démarche, au lieu de penser qu’elle seule détient la vérité révélée sur tout sujet. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l’amendement n° 3383.
Mme Marietta Karamanli. Depuis un an et demi, nous assistons à une vaste offensive contre l’école publique et le service public de l’éducation. Comme je l’ai dit dans cet hémicycle à l’occasion d’une question au Gouvernement, l’éducation publique, en particulier l’école, devrait être une ambition et un investissement. Malheureusement, elle est devenue une variable d’ajustement de la politique du Gouvernement et du Président Sarkozy.
Je ne parlerai pas des chiffres, même si l’on pourrait rappeler qu’aux 11 000 suppressions de postes de 2008 s’ajouteront 13 500 suppressions en 2009. Au-delà des chiffres, c’est l’avenir même qui est en cause, et le présent amendement appelle à cet égard deux observations de ma part.
L’école représente l’enjeu de la transmission de la connaissance et surtout celui de la construction des individus et, ajouterais-je, de la citoyenneté…
M. Claude Goasguen. Nous savons ce qu’est l’école !
Mme Marietta Karamanli. …dans une société où les mécanismes sociaux ont profondément changé en quelques dizaines d’années.
L’enjeu est également celui de la lutte contre les inégalités. Je rappelle que 90 % des enfants de cadres ont le baccalauréat contre seulement la moitié…
M. le président. Merci. L’Assemblée est informée.
Mme Marietta Karamanli. Je n’ai pas terminé, monsieur le président.
M. le président. L’Assemblée est informée.
Mme Marietta Karamanli. Le deuxième argument…
M. le président. La parole est à M. Jacques Valax, pour défendre l’amendement n° 3384. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Mme Marietta Karamanli. C’est scandaleux !
M. le président. Madame Karamanli, vous n’avez aucune raison de mettre en cause l’application stricte du règlement. (Mêmes mouvements.)
M. Jean-Claude Lenoir. Absolument !
M. le président. Monsieur Valax, si vous ne prenez pas la parole, je considérerai que l’amendement est défendu.
M. Jacques Valax. Monsieur le président, j’interviens chaque fois dans des conditions très difficiles. Avouez que je me retrouve dans une situation des plus inconfortables, certains de mes collègues ayant demandé à prendre la parole.
Cela étant, je vous ai promis d’être bref et je le serai. Je rappellerai simplement quatre expressions : concertation, discussion, réflexion, savoir donner du temps au temps.
M. Guy Lefrand. Et l’action, c’est quand ?
M. Jacques Valax. Lorsque l’on parle de l’avenir de nos enfants, il faut être prudent, vigilant et conserver cet esprit critique que beaucoup dans la majorité ont complètement abandonné.
M. Dino Cinieri. On sait ce que c’est que l’école !
M. Jacques Valax. Il faut savoir également écouter les professionnels de l’éducation nationale. Ce sont des gens pleins de qualités qui ont choisi cette carrière parce qu’ils sont passionnés, qui ont suivi des formations, qui sont véritablement faits pour ces métiers.
Je n’ai pas, quant à moi, la prétention de pouvoir poser tel ou tel principe en matière d’éducation nationale ; je préfère écouter et aller à la rencontre de ceux qui savent, qui ont une certaine expérience.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cela n’a rien à voir avec l’amendement ! Un peu de respect pour l’Assemblée !
M. Jacques Valax. C’est la raison pour laquelle il faut laisser le temps au temps.
L’expérience des RASED est douloureuse et délicate. Ce corps de professionnels rendait des services incontestables, dans le sens de l’égalité, qui nous est chère, permettant aux enfants les plus en difficulté d’accéder au meilleur d’eux-mêmes.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Mais où est l’amendement ?
M. Jacques Valax. Ce corps des RASED, on a essayé de le bouleverser, de l’éliminer…
M. Arnaud Montebourg. De le raser !
M. Jacques Valax. …de le raser ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je le regrette pour l’avenir de nos enfants.
M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert, pour défendre l’amendement n° 3389 et surtout apporter à l’Assemblée des éléments nouveaux.
Mme Marietta Karamanli. Encore faudrait-il lui laisser la parole !
M. Jean Gaubert. Monsieur le président, je compte bien apporter des éléments nouveaux ; c’est le seul but de mon intervention. (Rires sur quelques bancs du groupe UMP.)
Je suis élu d’une région dont la spécificité, il y a quelques années encore, était que la scolarité y commençait plutôt à deux ans qu’à trois ans. Cela tient entre autres au fait qu’il s’agit d’une région rurale, dans laquelle les réseaux de garde n’étaient pas organisés.
Alors que nous avons la chance de posséder une croissance démographique relativement forte, nous ne recevons pas de moyens supplémentaires. L’État, par la voix de l’inspection académique, nous demande donc de refuser l’inscription des enfants à l’école avant trois ans. Interpellés par les parents, les élus doivent investir dans d’autres systèmes de garde, et nous assistons à un nouveau transfert. L’État n’assume plus et ne donnera rien.
M. Christian Paul. Voilà la vérité !
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Quel est le rapport avec l’amendement ?
M. Jean Gaubert. Avant de prendre une décision au niveau national, il est nécessaire d’organiser la concertation avec ceux qui sont concernés : les parents d’élèves, les enseignants, mais aussi les collectivités territoriales.
Au moment de l’acte II de la décentralisation, entre 2003 et 2005, un ministre bien connu évoquait un transfert au franc le franc ou à l’euro près ; désormais, de dérives en dérives et par glissements successifs, l’État met à la charge du budget des collectivités locales des actions qui relevaient auparavant de son seul budget.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cela n’a rien à voir avec l’amendement !
M. Jean Gaubert. Nous ne pouvons plus tolérer ce genre de choses. Les études d’impact que nous demandons doivent servir à mesurer les conséquences des décisions qui pourraient prises.
M. le président. Sur le vote des amendements nos 3377 à 3398, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
M. François Brottes. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. François Brottes.
M. François Brottes. Monsieur le président, depuis quelques minutes, l’expression de nos collègues se fait dans un temps relativement limité, comme j’ai pu le constater, chronomètre en main, ayant la responsabilité du groupe.
M. le président. Quel article du règlement est-il violé, monsieur Brottes ? Vous savez que le principe d’un rappel au règlement est de signaler une violation du règlement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. François Brottes. Personne n’est violé, monsieur le président !
M. le président. Le simple fait d’appliquer le règlement provoque désormais des protestations. Admettez que ce n’est pas une situation satisfaisante pour ceux qui ont l’honneur d’écrire la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. François Brottes. Je fais un rappel au règlement car j’interviens sur le déroulement de notre séance.
M. le président. Quel article est violé ?
M. François Brottes. La violation, pour reprendre votre terme, c’est que nos collègues femmes n’ont pas parlé au-delà d’une minute trente et n’ont pu finir leurs phrases.
M. Guy Lefrand et Mme Isabelle Vasseur. Quel article ?
M. le président. Monsieur Brottes, je ne vous laisserai pas dire qu’il y aurait une distinction entre les parlementaires. Veuillez conclure.
M. François Brottes. Je l’ai pourtant noté !
Nous avons défendu un amendement d’application générale concernant ces évaluations renforcées, que nous déclinons à présent par thème.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ce n’est pas un rappel au règlement !
M. François Brottes. Il suffit au rapporteur et au secrétaire d’État de dire, dès le premier amendement, qu’ils sont d’accord sur le thème considéré pour que nous renoncions à présenter les amendements suivants. Sur l’éducation nationale, nous aurions pu parvenir à un accord, ce qui aurait évité que nous développions tous nos arguments, qui sont – veuillez l’observer – différents à chaque fois.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Treize séries de vingt-deux amendements, c’est de l’obstruction caractérisée !
M. François Brottes. Malheureusement, il n’est pas permis à nos collègues, et en particulier à nos collègues femmes, de terminer leurs phrases. C’est cela qui n’est pas convenable, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Jean Mallot, pour défendre l’amendement n° 3390.
M. Jean Mallot. Cet amendement commence par la phrase clé : « Les projets de loi relatifs à l’éducation nationale font l’objet d’une évaluation renforcée. » Pour ne pas allonger la discussion, je me contenterai de soulever deux points, qui compléteront les arguments de mes prédécesseurs.
Tout d’abord, l’évaluation renforcée est le seul moyen de mettre en cohérence des démarches déconnectées les unes des autres et dont l’incohérence crée de grandes difficultés dans la gestion de l’éducation nationale. Par exemple, lorsque la décision de supprimer des postes est prise, on ne se pose pas la question de la formation des enseignants en amont. La suppression des IUFM est décidée soudainement, sans concertation ni mise en corrélation suffisante avec l’évolution démographique prévisible du nombre d’élèves. Le défaut de pilotage se ressent fortement dans l’éducation nationale.
Ensuite – et cela n’a pas été évoqué –, la compétence de l’État n’est pas seule en cause ; les collectivités locales ont un rôle considérable dans ce domaine.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cela a été évoqué il y a moins d’une demi-heure !
M. Jean Mallot. Par exemple, les régions sont compétentes pour les lycées, les départements pour les collèges,…
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Et les communes pour les écoles : on sait !
M. Jean Mallot. M. Warsmann me souffle que les écoles sont effectivement prises en charge par les communes. Merci de cette précision. Je voulais être court mais vous m’invitez à être un peu plus long. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Sur les aspects, notamment, de la gestion de l’immobilier et du personnel non enseignant, les évaluations renforcées devraient permettre…
M. le président. Merci !
La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour défendre l’amendement n° 3393.
Mme Catherine Lemorton. Pour répondre à nos collègues de la majorité qui ont interpellé François Brottes, son rappel au règlement se fondait sur l’article 100, alinéa 7, du règlement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je souhaite évoquer un instant mon souci d’intégration des projets de loi de finances dans ces études d’impact. (Mêmes mouvements.)
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Hors sujet ! Vous vous êtes trompée d’argumentaire !
Mme Catherine Lemorton. Je n’ai pas l’habitude d’occuper le temps pour occuper le temps, alors écoutez-moi ; je parlerai une minute trente. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Madame Lemorton, il n’est pas très facile d’assurer la police de l’Assemblée ; veuillez me laisser faire, je vous en saurai gré.
Mme Catherine Lemorton. Je souhaite parler des associations reconnues d’utilité publique et notamment des associations d’éducation populaire, qui vous ont interpellés, je pense, chers collègues de la majorité, comme elles l’ont fait avec nous, au sujet de leurs manques de financement.
Si la citoyenneté dans notre pays s’acquiert principalement à l’école, le périscolaire y contribue également. Les associations d’éducation populaire ont le mérite de faire le lien avec l’école. (Brouhaha sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cela n’a rien à voir avec l’amendement !
M. le président. Madame Lemorton, merci de développer des arguments qui ont trait à l’objet de l’amendement n° 3393.
Mme Catherine Lemorton. C’est ce que je suis en train de faire, monsieur le président. Je ne comprends pas pourquoi vous m’interrompez. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Lorsque l’on prend des décisions budgétaires concernant ces associations, il est important de réaliser des études d’impact. En effet, ces structures voient aujourd’hui leurs financements diminuer de 25 %, alors que M. Darcos nous a dit que ceux-ci avaient augmenté de 50 %, ce qui est très étonnant, vu leur mécontentement. Une étude d’impact aurait permis de montrer leurs difficultés de fonctionnement, alors même qu’un contrat pluriannuel avait été signé avec toutes ces associations. Je vous demande donc d’adopter l’amendement n° 3393, déposé conjointement avec M. Christian Paul.
M. le président. La parole est à M. Serge Blisko, pour défendre l’amendement n° 3398.
M. Serge Blisko. L’ordre des amendements a voulu que je conclue, mais permettez-moi de citer une personnalité éminente qui expliquait la nécessité de réaliser des études d’impact avant tout projet de loi sur l’éducation – ce ne sont que quelques chiffres qui ne vont pas durer très longtemps : 15 % des élèves sortent de CM2 en maîtrisant mal la lecture et l’écriture, 15 % des lycéens redoublent la seconde, 150 000 élèves quittent chaque année l’école sans diplôme… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cela n’a rien à voir avec l’amendement !
M. Dino Cinieri. C’est de l’obstruction !
M. Serge Blisko. Il me semble que je parle de l’éducation nationale et d’enseignement !
M. le président. Je vous en prie, chers collègues.
M. Serge Blisko. Je poursuis : 50 % des étudiants inscrits en première année à l’université redoublent au cours du premier cycle ou abandonnent ; il y a deux fois plus de chances pour les enfants de la moitié la plus favorisée de la population d’avoir un diplôme du supérieur par rapport à des enfants d’ouvriers, et – last but not least – quatre fois plus de chances de faire une grande école.
Ces chiffres, ce sont ceux qu’a indiqués le Président Sarkozy lundi, dans son discours de Saint-Lô… Mes chers collègues de la majorité, soyez au moins d’accord avec le Président de la République quand il vous donne un état objectif de la situation ! Pour éviter que nos lois sur l’éducation nationale ne soient qu’un replâtrage pour réduire le nombre d’enseignants, il faut partir des chiffres qu’il a rappelés, et travailler beaucoup plus en amont pour réussir à faire de l’éducation nationale un des fils rouges du redressement de la France.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces vingt-deux amendements identiques ?
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Avis défavorable.
M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur les amendements n°s 3377 à 3398.
Je demande à tous les députés qui veulent voter de regagner leur place et de s’asseoir devant leur pupitre pour éviter toute contestation.
Messieurs Montebourg, Mallot et Le Bouillonnec, je vous prie de vous asseoir. Il ne s’agit pas d’un vote par assis et levé.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je tiens à vous faire remarquer l’inconfort de ces sièges, monsieur le président ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 108
Nombre de suffrages exprimés 108
Majorité absolue 55
Pour l’adoption 34
Contre 74
(Les amendements n°s3377 à 3398 ne sont pas adoptés.)
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Comment peut-il y avoir soixante-quatorze votes contre ?
M. le président. Je trouve absolument inadmissible que l’habitude soit désormais de contester la présidence ! Le vote a été acquis, veuillez vous asseoir. Cette méthode qui consiste à dégrader petit à petit le respect dû à la présidence est inacceptable, et encore plus inacceptable lorsque ce n’est pas le président de l’Assemblée qui préside lui-même. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Monsieur le président, ce que je vais annoncer devrait calmer les esprits puisque je sens une légère exaspération : le Gouvernement souhaite que la reprise des travaux, lundi, soit fixée à vingt et une heures trente et non à seize heures. Cela permettra aux uns et aux autres de réfléchir à l’ensemble des débats en cours et peut-être d’adopter une autre vision de la manière dont devront se passer les travaux. Le Gouvernement propose donc que la prochaine séance ait lieu lundi, à vingt et une heures trente.
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
M. le président. Prochaine séance, lundi 19 janvier 2009 à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi organique relatif à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures trente-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale,
Claude Azéma